12 – Norrdellen > Bureå (km 3480 – km 4170)

  • 2022/05/05 Norrdellen – Gryttjen (bivouac) : 68 km
  • 2022/05/06 Gryttjen – Timrå (bivouac) : 52 km
  • 2022/05/07 Timrå – Brånsviken (bivouac) : 45 km
  • 2022/05/08 Brånsviken – Utvik (bivouac) : 47 km
  • 2022/05/09 Utvik – Sörgällsta (bivouac) : 55 km
  • 2022/05/10 Sörgällsta – Västansjö (camping) : 28 km
  • 2022/05/12 Västansjö – Stavasjön (bivouac) : 54 km
  • 2022/05/13 Stavasjön – Öre (bivouac) : 58 km
  • 2022/05/14 Öre – Umeå (camping) : 74 km
  • 2022/05/15 Umeå – Rickleå (bivouac) : 63 km
  • 2022/05/16 Rickleå – Lövvattnet (bivouac) : 60 km
  • 2022/05/17 Lövvattnet – Bjuröklubb (bivouac) : 42 km
  • 2022/05/18 Bjuröklubb – Bureå (camping) : 40 km

Durant cet épisode, nous quittons l’intérieur des terres suédoises pour rejoindre la côte de la Mer Baltique!

Les Cygnes chanteurs ont encore fait retentir leurs trompettes en pleine nuit, les grives s’égosillent au lever du jour (à trois heures du matin), les Tétras lyre chantent imperceptiblement depuis la forêt, et surprise, on entend la mélodie du Rougequeue à front blanc ! Nous avions observé deux mâles se chamailler dans la bruyère en silence mais ce matin, l’un d’entre eux défend ardemment son territoire. On passe le petit-déjeuner à essayer de le prendre en photo sans y parvenir. Nous partons du camping de Norrdellen après trois nuits de repos dans la pinède du bord du lac. En quittant l’emplacement, nous réalisons que nous avions choisi le numéro 38 sans le vouloir, comme un petit rappel de nos origines iséroises. Lors du chargement des vélos, impossible de retrouver notre drapeau « cyclopithecus »: volatilisé, c’est un grand mystère. Peut-être les lapins du camping ?

Jeudi 05 Mai, nous rejoignons l’itinéraire Euro vélo 10 qui nous mènera jusqu’à la côte. Belle journée de vélo à travers les pinèdes par une route très calme, avec une pause au lac Mjusjön dans une cabane de pêcheur d’où nous apercevons (encore) des plongeons arctiques en paire. Marine rêvait de les voir en plumage nuptial, et pensait qu’il était rare de les observer, mais c’est en réalité un oiseau assez commun ici. En milieu d’après-midi, après un passage par Hassela pour ravitaillement, nous passons à la hauteur d’un lac d’où décolle un Pygargue à queue blanche. Le paysage de forêts exploitées n’en finit plus, et nous nous demandons où nous allons dormir ce soir. Nous faisons confiance à la route, en explorant les bifurcations vers les routes forestières, et au bout de plusieurs tentatives, nous atterrissons sur un élargissement de piste en marge de la route principale. Nous dînons avec nos premiers moustiques avant de nous réfugier sous la tente et nous endormons avec les grognements de la Bécasse des bois.

La nuit est incroyablement silencieuse puis laisse place, dès l’aurore (deux heures quarante du matin!) aux premiers chants des oiseaux, rapidement grossis par ceux de la forêt entière. Gabriel imagine toutes ces boules de plumes, tapies dans les bois, patientant jusqu’aux premières lueurs, qui n’attendent qu’une chose : le signal du premier (souvent une grive ou un rougegorge) pour commencer à chanter en chœur. Les bouchons d’oreilles deviennent indispensables pour faire une nuit complète… Mais on préfère tellement cela aux nuisances sonores de notre ancien appartement, cerné par les chantiers et les voisins bruyants. Les Tétra lyres roucoulent discrètement tout près de nous. Marine attendra qu’ils aient terminé pour aller explorer les places de chants. Quelques crottiers sont bien présents, en plein milieu des zones fraichement déboisées. C’est assez surprenant de constater que l’espèce se contente de zones éclaircies par l’exploitation humaine, laissant derrière elle un chaos de souches et de branchages.

Record de vitesse sur la matinée suivante : 19,5km/h de moyenne (et vitesse maximale 56,83 km/h!) jusqu’au lac de Vintertjärnen. Comme sur beaucoup d’étendues d’eau, il y a toujours un aménagement permettant de s’y installer confortablement. Une cabane de pêche, un foyer pour les grillades, une table et des bancs, un ponton… Nous trouvons un banc près du lac, presque fait pour lancer sa canne à pêche et poser sa prise sur le grill sans en bouger.

On serait bien restés plus longtemps à regarder le paysage. Les deux Grues cendrées que nous avions effrayées en arrivant, sont revenues et marchent doucement sur la tourbière à fleur d’eau. Un cygne chanteur dort non loin de là, la tête dans les plumes. Mais nous avons rendez-vous au magasin de vélo avant 15h00, pour changer la jante de Gabriel. Elle est dans un sale état : on peut maintenant passer la pointe d’un couteau dans la plus grande des fissures. Il faut qu’elle tienne encore une quinzaine de kilomètres jusqu’à l’atelier de CATU bikes à Sundsvall. Chantal, avec qui nous avions échangé pour la commande de la roue s’avance vers nous et nous tend la nouvelle roue avec un sourire complice. « You are looking for a new wheel, aren’t you ? ». Elle nous met à disposition les outils pour retirer la cassette de pignons et la monter sur la nouvelle jante. Gabriel parvient à la changer en quelques minutes. Le plus long est de remettre en place le pneu. Alex, le mécanicien, l’aide à le mettre en place parfaitement dans la jante à l’aide d’une pince spéciale, de la graisse (qui peut aussi être substituée par de l’eau savonneuse). Il lui montre les repères à respecter et règle également la tension des rayons. Un bon moment d’apprentissage, très utile pour la suite. Nous quittons CATU bikes soulagés, et gardons un excellent souvenir de l’accueil chaleureux de Chantal.

Faute de camping ouvert (la saison n’a toujours pas commencé au 06 Mai, et on s’entend répliquer que les campeurs en tente ne sont pas acceptés, au titre qu’il fait trop froid la nuit!), nous plantons la tente plus au Nord dans un parc en bord de mer. D’étranges paniers métalliques sur pied sont disposés un peu partout, et nous interrogent. Nous avons vite la réponse quand nous entendons tinter les chaines : ce sont des cibles de disc golf (le golf avec un freesbee), et nous sommes juste à côté d’un parcours. Le plus important, c’est qu’on a devant nous la mer de Botnie au coucher du soleil pour la première fois du voyage ! Gabriel la goûte, elle n’est pas très salée et prend cette teinte rouille que nous voyons sur les lacs. En effet, le delta de la rivière Indalsälven s’y déverse non loin.

Temps gris ce Samedi 07 Mai, nous restons sur place, installés sur un table de pique-nique pour prendre le petit-déjeuner. Les promeneurs de chien nous saluent et engagent la conversation, tous bienveillants. « Fryser du inte? » (« N’avez vous pas froid ? »). Une centaine de Bernaches nonnettes sont massées sur un terrain de sport le matin. Cela faisait longtemps qu’on ne les voyait plus. Nous passons la matinée dans la réserve du delta de la rivière Indalsälven. Nous franchissons plusieurs passerelles suspendues en caillebotis de métal pour arriver sur la plage de Smackgrundet. La forêt de bouleaux et de résineux s’arrête net à une vingtaine de mètres de la mer, sur une belle plage de sable clair. Nous observons des Pouillots siffleurs, des Rougequeue à front blanc, des Gobemouches noirs et une Fauvette à tête noire. Tous ces migrateurs sont arrivés à destination, ou bien sont encore en transit, comme nous. Les Pouillots siffleurs sont de petits oiseaux au ventre blanc et à la gorge jaune citron. Difficiles à prendre en photo car ils bougeaient sans cesse; très occupés à se nourrir. Après un si long trajet, on peut comprendre ! Ils ont fait le voyage depuis l’Afrique tropicale.

Beaucoup de dénivelé avec le vent de face pour cette étape que nous terminerons, les genoux fatigués, sur le lac de Brån. Au moment de descendre sur cette plage, un renard sort furtivement des buissons. Son pelage prend la même couleur dorée que les herbes sèches sur lesquelles on s’installe. Le chant des Courlis cendrés nous parvient depuis l’autre rive. Plus tard, ce seront les bécassines qui prendront le relais. Un brin de vaisselle discret, sans éloigner les Garrots à oeil d’or et les Harles Bièvres. Trop de vent pour faire du feu, on utilisera le barbecue sous le auvent en bois pour se réchauffer un peu. La tente est vite montée, entre deux rafales de vent que l’on voit venir sur la surface du lac, qui se ride avant qu’elles nous atteignent. À vingt heures nous sommes déjà dans nos duvets. Le lendemain, un Plongeon arctique s’approche de la anse et pousse de petits cris avant de disparaitre sous l’eau.

Une équipe de trois pêcheurs débarque en berline rutilante tractant une vedette pour la mettre à l’eau. La voiture manœuvre, patine sur le terrain détrempé, et un bruit de crevaison siffle. Les trois hommes en salopette noire passent une bonne heure à changer la roue dans la boue, puis finissent par renoncer à leur partie de pêche. Nous les rattraperons plus tard, inspectant le bateau après un gros trou dans l’asphalte, qu’ils n’ont pas dû franchir aussi lentement que nous.

Nous suivons tranquillement notre itinéraire, et faisons un « point carto » car nous avons un dilemme. Deux tracés euro vélo (la numéro 7 et la 10) proposent deux parcours différents : l’un emprunte la voie rapide E4, l’autre fait un détour de plus de 30 kilomètres. Nous optons pour la première alternative mais cela suppose de prendre l’immense pont à haubans de Höga kusten (« la haute côte ») sur deux kilomètres. Nous vérifions aux jumelles, avant de nous y engager, qu’il existe bien un accotement cyclable. On se lance ! la vue est vertigineuse à travers les garde-corps à barreaudage. Les véhicules roulent très vite mais nous dépassent correctement. Le vent s’intensifie à mesure que nous avançons, à 180 mètres au-dessus de l’eau. Le souffle d’un camion nous dévie violemment vers la barrière, tournant d’un coup nos guidons d’un quart de tour. Le rétroviseur de Gabriel s’est même plié à son passage. Le cœur battant et les jambes tremblantes, nous continuons tant bien que mal, les yeux rivés sur le rétroviseur, en pestant contre ce camionneur négligeant. Heureusement, une zone de travaux est en vue et nous laissera une voie entière pour nous tous seuls jusqu’à la fin du pont. Ouf !

Pour la recherche de bivouac, à défaut d’abri cartographié, nous étudions les fonds de carte photo pour juger des endroits favorables. Contrairement aux fonds de cartes classiques, on peut apprécier à travers les vues satellites la nature des sols et l’étendue des végétaux. Une clairière dans la forêt, une piste en impasse, l’absence d’habitations, sont autant de potentiels bivouacs. Pour ce soir, la mince épaisseur contenue entre l’autoroute, la route et la côte ne nous laisse pas beaucoup d’options. Nous repérons un chemin menant vers une zone non construite, à côté de la mer. Il y a toujours un risque que l’accès à l’eau soit privé , mais la chance nous sourit : c’est une zone de baignade publique à l’abandon. De vieilles cabines en bois sont à moitié effondrées, le ponton se désintègre, mais la plage est parfaite. Deux Chevaliers culblancs décollent en criant à notre arrivée. Il fait huit degrés au moment de fermer la tente.

Le 09 Mai est une journée printanière, ensoleillée et pleine de belles rencontres. A peine un kilomètre après notre bivouac, nous stoppons devant un arbre car un cri étrange nous interpelle. Comme un cri de rapace… L’arbre est dans le jardin d’une maison, nous approchons doucement et pointons les jumelles dessus. C’est un Torcol fourmilier ! Un oiseau de la famille des pics qui raffole des fourmis. A ce moment-là, quelqu’un sort de la maison et vient vers nous. C’est un vieil homme de petite taille, aux grands yeux bleus et à la voix douce. Il s’accoude au guidon de Marine pour discuter. Chacun parle dans sa langue, car l’anglais n’est pas possible, mais curieusement, nous avons l’impression de nous comprendre. Nous utilisons le traducteur automatique et son visage s’illumine quand Marine prononce péniblement « Du har tur som har en sådan fågel i ditt hem. » (« Vous avez de la chance d’avoir un tel oiseau chez vous. »). Il nous indique une réserve naturelle à 6 km qui doit être sur notre chemin. Et effectivement, nous arrivons près d’une immense roselière avec des aménagements pour l’observation des oiseaux.

Pour changer des forêts, nous traversons des zones agricoles et des enfilades de lacs. Nous observons les premiers Tariers des prés, un petit passereau, migrateur transsaharien. C’est incroyable d’imaginer qu’ils viennent du Sénégal, du Congo, de la Zambie, ou du Kenya… et qu’ils font le voyage deux fois par an !

Nous prenons un peu d’altitude en remontant à la source de plusieurs lacs. En redescendant du col où nous avions fait notre pause midi, nous nous apercevons que nous avons fait fausse route. Nous avions suivi sans nous poser de question la route principale. Il faut alors remonter les trois kilomètres de côte pour retrouver le bon chemin… Heureusement que cela nous arrive rarement.

Nous visons un camping avec qui nous avons échangé par mail, pour prendre une bonne douche chaude. Car après cinq jours de pédalage, on commence à sentir le mustélidé. Il y a toujours l’option de se placer près du feu de bois du soir pour couvrir les odeurs de transpiration, mais la méthode a ses limites. Nous arrivons dans un camping fantôme, et attendons près d’une heure à la réception. Le bureau est allumé mais personne ne vient. Nous tentons de contacter les gestionnaires, en vain. On s’installe tout de même avant de se raviser en lisant les critiques sur internet : horreur, les douches sont payantes et risquent d’être froides ! Pour 25 euros la nuit, on décide de quitter les lieux. La douche attendra.

On trouve un kilomètre plus loin une aire de débardage où est étendu un beau renard. Marine s’en approche, il est mort dans une position proche du sommeil. Ce bivouac sera donc « celui-du-renard-mort », qui nous aura donné l’occasion de voir de plus près cet animal que l’on croise si furtivement d’habitude.

Festival d’oiseaux au réveil : les Pinsons pinsonnent, les mésanges mésangent, les Tarins tarinent, les Pouillots pouillottent. Gabriel prend en photo un Bruant jaune et revient avec un autre oiseau à l’écran, qu’il a pris pour son petit. Pas du tout, c’est une belle femelle de Sizerin flammé ! Un pipit des arbres nous gratifie de sa parade nuptiale. Il prend de la hauteur depuis la cime d’un épicéa et se laisse tomber comme une feuille morte, les ailes grandes ouvertes en ralentissant ses trilles sonores.

On commence à se sentir sales d’autant que nous n’avons pas pu faire de feu la veille. Nous atteignons le seul camping des environs par une piste forestière éreintante. Nous avalons la poussière soulevée par les camions charriant les grumes de résineux. La neige est encore bien présente sur les bas-côtés. Dans ces forêts isolées, nous faisons décoller ce qui semble être des poules de Grand tétra ou de Tétra lyre, à plusieurs reprises. Vers 13 heures, nous arrivons à destination : plusieurs corps de bâtiments faits de bric et de broc, recouverts d’objets insolites. Moulins à vent, fleurs en plastique, bois d’élans, vieux outils agricoles, pancartes de récupération. Une brocante à ciel ouvert. Frank nous accueille avec quelques mots en français puis poursuit en anglais « c’est tôt pour la saison, vous êtes les premiers. La neige n’a pas complètement fondu comme vous pouvez le voir ». On remarque le gros tas de neige sur le gazon et suivons Frank qui nous indique un emplacement à peu près sec. C’est seulement après avoir payé que le propriétaire nous explique le fonctionnement de la douche dans les sanitaires vétustes. La chaudière étant située dans l’autre bâtiment, il faut laisser couler l’eau de la cuisine à fond pendant dix minutes pour faire venir l’eau chaude et manipuler étrange mitigeur. Nous avons eu des douches, certes, mais à une température aléatoire allant du froid au tiède… On restera tout de même deux nuits pour se reposer sans rien faire, et laisser passer un épisode pluvieux. Le bon côté est que le camping est habité de nombreux Bouvreuils pivoine, de Grives mauvis, et de Grives litornes, très affairées à construire leur nid. Et nous souhaitons la bienvenue au Gobemouche gris, tout droit arrivé du Sud de l’Afrique !

Nous reprenons les vélos Jeudi 12 Mai et passons la journée entière sous la pluie. Une grosse averse nous contraint à nous abriter pour déjeuner, contre les troncs de vieux sapins à l’écart de la route. Une série de cris suraigus attire notre attention. Silence. Puis de nouveau. Pas de doute, c’est une Gélinotte de bois qui chante ! La pluie n’a pas l’air de la déranger. Nous repartons en poncho en direction de l’aéroport de Örnsköldsvik, placé en plein milieu de la forêt. La pluie s’intensifie et les abords de la route n’ont pas l’air campables. Les pistes qui en partent sont peu nombreuses, on se demande à quoi va ressembler le bivouac de ce soir. Un point « carto » s’impose. On s’engage sur une piste et suivons notre instinct, sans rien trouver. On s’enfonce de plus en plus dans la forêt, et là, surprise ! On n’aurait jamais imaginé tomber sur un abri non cartographié, découvert au détour du chemin, caché derrière les arbres. Nous mesurons le confort d’un simple toit qui nous tient au sec, au moment où un rideau de pluie tombe sur la forêt.

Réveil plus que spongieux, mais le soleil est revenu, avec la visite de quelques Becs-croisés des sapins. Nous nettoyons les jantes des vélos, car après chaque épisode de pluie, les vélos sont pleins d’impuretés et nous savons qu’une toilette fréquente des jantes ralentit leur usure. Celle de la roue arrière de Marine présente deux fissures qui n’évoluent pas pour l’instant mais qui restent préoccupantes. Les jantes Riverside de Decathlon que nous avions achetées en Alsace, n’auront pas fait long feu. Nous avons donc commandé une nouvelle pièce dans la prochaine ville. Journée piste, où nous progressons malgré tout assez rapidement. Grand moment sportif dans une côte très raide en gravier (à 18% de pente). Gabriel capitule aux deux-tiers, sous les yeux de Marine en contrebas, qui se lance à son tour sous ses encouragements « Aller aller aller ! il faut au moins que l’un d’entre nous y arrive ! ». Marine a tout donné, à en avoir mal au dos tout le lendemain, mais est parvenue à se hisser jusqu’au replat salvateur. nous descendons le long de la rivière Öre, jusqu’à un de ces fameux « grillplats » (« aire de barbecue » , soit une table, des chaises et un foyer). Nous écourtons la soirée pour nous reposer car le lendemain, nous devons parcourir 60 km pour être avant 14h au magasin de vélos. Nous roulons très vite car la route est bonne et prenons tout de même le temps d’une pause sur une ancienne gravière en bord de route. Il y a des déchets de partout, signe que nous approchons de la ville (c’est ce que nous remarquons systématiquement). Un Petit gravelot vient égayer le lieu, avec deux Chevaliers guignettes en parade, lancés dans une course folle en chantant au ras de l’eau. Nous repartons direction Umeå et arrivons à l’heure au magasin de vélo. Une fois la jante remplacée, nous filons faire un ravitaillement et échangeons avec Benoit sur notre emploi du temps de la journée. Benoit est un français installé à Umeå avec sa compagne suédoise Astrid. Il nous a contactés suite à notre interview, paru sur Natursidan (« la page nature ») au mois de Février et nous avait gentiment proposé de nous rencontrer. Nous les retrouvons sur le campus et faisons connaissance sur les vélos, en chemin pour un café du centre. Tous deux amoureux de la nature, nous avons pleins de points communs : vélo, escalade, ornitho, montagne. Hasard des choses, ils reviennent de vacances… dans la vallée de Quint, à côté de Die ! Nous gardons un excellent souvenir de ce bon chocolat chaud et de viennoiseries à la cardamome en si bonne compagnie. Certainement que nous nous reverrons. Sur le retour, nous faisons un bout de chemin ensemble puis nous bifurquons en direction du camping au Nord de la ville.

Le camping est sans charme, mais d’un grand confort. Nous plantons la tente quelques secondes avant de se faire rincer par la pluie. Gabriel avait senti le grain venir et a précipité le montage de la tente. Nous passons de longs moments dans la cuisine et le réfectoire collectif, que nous partageons avec deux couples de retraités en caravane.

Départ de Umeå le 15 Mai. Nous choisissons de continuer sur l’Euro vélo 10 plutôt que de couper par l’intérieur des terres pour se donner une chance de voir la mer de plus près. Car depuis que nous avons atteint Sundsvall le 6 Mai, nous ne l’avons pas vraiment vue : la côte Est de la Suède est très découpée et la piste qui sillonne en zigzag nous donne l’impression de ne pas avancer aussi vite qu’avant. Grand bonheur de la journée, nous apercevons au loin les premiers rennes du voyage ! Nous faisons ensuite une pause « Fika » (café-goûter en suédois) devant l’île de Rataskär. Dommage qu’on ne puisse pas y camper. Le ponton de bois grisé, devant l’ile surmontée d’une petite tour rouge, la grande pelouse impeccable, étaient autant d’invitations à y rester. Nous poussons jusqu’à Rickleå où nous avons repéré à l’avance le shelter du soir (grâce au site campwild.org). Mais les derniers kilomètres sont difficiles, nous entrons dans une zone agricoles où la piste de gravier se dégrade. Les cailloux deviennent de plus en plus gros, et les secousses avec. Par crainte d’endommager nos vélos (surtout les roues), nous nous résolvons à emprunter la voie rapide sur trois kilomètres, pour retrouver un peu plus loin une piste en meilleur état.

L’abri est une cabane de pêcheur sur une petite île au milieu d’une grosse rivière. On y accède par un pont en bois, tenu entre deux blocs de granit. La lumière réchauffe les couleurs de l’herbe qui prend la teinte du printemps. Un Courlis cendré nous rend visite en planant juste au-dessus de nous. Il chante toute la soirée, et reprend le lendemain dès trois heures du matin.

Aujourd’hui encore, beaucoup de portions de pistes avec le vent de face. Ravitaillement à Robertfors, y compris en Super Sans plomb 95 pour le réchaud, et c’est reparti. Après une petite averse, nous faisons une autre belle rencontre. En lisière, loin au bout d’un pré, un élan semble vouloir s’aventurer hors de la forêt avant de nous apercevoir. Nous sommes à bonne distance, environ trois cents mètres, mais il fait demi-tour dès qu’il nous repère. Nous avons juste le temps de le prendre en photo avant qu’il s’évanouisse comme une apparition. C’est par hasard que l’on trouve ce soir une cabane forestière à côté de laquelle nous campons. Elle n’est pas fermée à clé. Gabriel entrouvre la porte et ouvre de grands yeux. « Viens voir ! J’ai trouvé le traineau du père Noël ! Les rennes que l’on a vus s’en sont sûrement détachés ».

L’atmosphère est humide et fraîche. Comme on ne peut pas faire de feu pour se réchauffer et éloigner les insectes, on se réfugie donc dans la tente. Il faut ensuite s’extirper des duvets pour aller préparer un repas chaud.

Le 17 Mai, il fait cinq degrés quand nous nous réveillons. Nous avons une bonne étape à faire pour atteindre la péninsule de Bjuröklubb. C’est l’entrée du golfe de Botnie, où nous allons chercher la mer, dans un bel endroit que nous a recommandé Astrid. Juste avant, nous nous arrêtons à l’observatoire de Gärdefjärden, que nous découvrons par hasard sur la route. Marine monte donner un coup de jumelles et redescend chercher la longue-vue. Il y a pleins Combattants variés sur la pièce d’eau ! Les mâles de ces limicoles arborent leur étonnant plumage nuptial : une énorme collerette de plumes, tel un boa de diva.

Quarante deux kilomètres avec le vent de face, mais quelle récompense au phare de la péninsule…Enfin l’horizon bleu, enfin les vagues, enfin l’odeur de sel. Dans l’euphorie, Marine prend l’écume des vagues formée par les hauts fonds pour des baleines. On y croit pendant quelques minutes puis on rit de notre crédulité. Abrités du vent contre le bâtiment jaune, nous profitons du soleil et de la vue panoramique. Un des plus beaux pique-niques.

En milieu d’après-midi nous rejoignons le Sud de la péninsule par une piste à travers la pinède. Le paysage est au-delà de ce que l’on pouvait imaginer. Le chemin s’interrompt sur une vaste étendue minérale qui se poursuit jusqu’en pointe dans la mer. Une minuscule maison de vacances se dresse sur le granit. Des végétaux ras forment des plaques vertes sur le parterre ocre. Un mâle et une femelle de Traquets motteux se poursuivent entre les cailloux, et se perchent tour-à-tour sur le même galet recouvert de lichen. La pointe protège une plage de sable clair en demi-cercle, au bout de laquelle se trouve un abri où nous dormirons ce soir. Deux Labbes parasites sont postés sur les blocs. L’un d’entre eux prend en chasse une Sterne pierregarin pour lui voler son butin et l’offrir à sa partenaire qui quémande comme un petit.

Écouter le ressac, mettre les pieds dans l’eau, toucher le sable, sentir le soleil… Puisque notre itinéraire initial ne nous permettait pas de la voir, nous sommes allés chercher la mer sur la pointe la plus à l’Est de la région pour profiter de ce bel horizon. Les migrateurs défilent en petit nombre, franchissant la jetée naturelle de galets en déformant légèrement l’onde de leur vol.

La route nous appelle et l’on reprend nos montures. Nous sommes coupés dans notre élan par la rencontre d’un retraité fan de geocaching qui nous explique pendant près d’une demi-heure le principe de cette chasse au trésor mondiale. Il est à un niveau expert où les caches traditionnelles (un objet dans un contenant étanche avec un message), ne suffisent plus à satisfaire son appétit. Il cherche maintenant les caches plus difficiles ou encore inaccessibles. Certaines énigmes doivent être résolues par des programmes informatiques. D’autres caches doivent être découvertes jusqu’à 18 mètres sous le niveau de la mer, ou bien en haut d’un arbre. Il arrive à convaincre Marine de s’inscrire pour participer. Nous le laissons faire le tour de ses caches qu’il veut vérifier avant la saison touristique. Quant à nous, jeunes cyclistes, l’activité de la journée consistera à chercher un camping avec douche chaude à volonté, et s’y reposer quelques jours.

Merci Chantal et Alex de CATU Bikes à Sundsvall !

Merci Benoit et Astrid pour votre accueil à Umeå !

Et merci à vous de nous avoir lus jusqu’au bout !

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4 réflexions sur “12 – Norrdellen > Bureå (km 3480 – km 4170)”

  1. J’adore suivre votre trajet et apprendre tout sur ces oiseaux. Juste revenue d’une virée à vélo dans le sud, j’ai beaucoup pensé à vous lorsque nous avons dérangé plusieurs fois un guêpier d’Europe que je ne connaissais pas, il n’y en a pas par chez nous (région nantaise). Merci pour ces partages.
    MChristine

    1. Merci Marie Christine ! Les Guêpiers d’Europe sont des oiseaux fascinants. Ils ne remontent pas jusqu’en Scandinavie, nous n’aurons pas le plaisir de les observer cette année. On vous souhaite de belles découvertes ornitho pour la suite ! Et pourquoi pas à vélo 😉

  2. Chris et Étienne

    Et bien, quel périple magnifique ! Bon repos bien mérité. Nous vous envoyons pleins de bisous.

    1. On est bien reposés et gonflés à bloc pour repartir. Surtout avec des messages comme les vôtres ! La température remonte, on roule en T-shirt pour la première fois. Ça fait beaucoup de bien de ne plus lutter contre le froid ! Par contre les moustiques arrivent… Bises !

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