- 2022/05/29 Kukkola – Kemijoki : 58 km (bivouac) La rivière aux fleurs jaunes
- 2022/05/30 Kemijoki – Murrola : 71 km (bivouac) Le tournoi de base ball
- 2022/05/31 Muurola – Vikajärvi : 56 km (bivouac) Au-delà du cercle polaire
- 2022/06/01 Vikajärvi – Raudanjoki : 55 km (bivouac) Le terrain de sport sur la E75
- 2022/06/02 Raudanjoki – Sodankylä : 55 km (camping) Rencontre avec Alexandra
- 2022/06/05 Sodankylä – Madetkosken kyläkota : 58 km (bivouac) Premier kota
Nous savourons le spectacle du fleuve Hemijoki depuis la fenêtre de la cuisine du camping. La salle est assez grande pour accueillir une vingtaine de personnes et nous prenons possession d’une table pour faire sécher nos affaires et sortir notre matériel des sacoches. Les plaques électriques à disposition nous permettent d’enchaîner les thés et autres boissons chaudes. Dans tous les campings, y compris les plus vétustes, il y a toujours un espace collectif avec une cuisine bien équipée. Un lieu où l’on se réfugie toujours bien volontiers, tant et si bien que nous passons peu de temps à l’intérieur de la tente. La rudesse du climat a sûrement façonné cette culture de l’accueil scandinave. Les pauses en camping sont pour nous entièrement motivées par la perspective de la douche chaude hebdomadaire. L’après-midi passe vite et c’est le moment de passer à la salle de bain : Marine attend son shampoing avec impatience, et pour Gabriel c’est le rasage ! Damned, l’eau des douches est gelée ! Comme si elle venait directement du fleuve. Grosse déception, nous nous couchons une nuit de plus tout poisseux dans nos duvets en poussant des jurons envers le propriétaire, qui de surcroît nous avait rit au nez. Il a coupé la parole à la réceptionniste qui nous proposait des pâtes et du pain lorsque nous avions demandé si le camping avait une épicerie (le commerce le plus proche étant hors d’atteinte en vélo). Il a aussitôt ajouté avec un sourire en coin : « Vous n’avez besoin de rien, vous pouvez venir au restaurant pour le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner ». Le lieu étant réputé pour son poisson fumé et son restaurant de standing, ce n’était pas du tout prévu dans notre budget.
Le lendemain matin, même histoire, on part à l’assaut de la salle de bain à la première heure. Thermostat à fond, la douche est toujours aussi froide, c’est décourageant. Marine arrive grelottante à la réception pour signaler le problème. Elle est accueillie par la même réceptionniste, coupe au carré sévère les sourcils froncés derrière des lunettes épaisses. Elle lui glisse presque en chuchotant : « Je vais prévenir le technicien et vous pouvez rester une nuit de plus gratuitement ». Puis elle décroche le téléphone et aboie quelque chose qui fait sursauter Marine. Ce n’est pas du Suédois, c’est une nouvelle langue très étrange ! Premier contact avec le finnois.
La douche n’est pas plus chaude en fin de matinée, nous attendons le début d’après midi que les cumulus se rechargent, probablement vidés par la quantité de touristes les utilisant sans interruption à la sortie du sauna. Puisque c’est ainsi, nous aussi nous irons au sauna ! Ce sera notre récompense après avoir passé une journée à écrire l’article précédent. Le sauna ressemble à tous ceux que nous voyons dans les jardins des suédois : une cabane circulaire sommaire, sorte de de yourte en bois. Nous poussons la porte, personne à l’intérieur, et au vu la fréquentation, c’est une chance. La chaleur est étouffante. L’énorme poêle à bois central est coiffé d’une nasse métallique remplie de pierres que l’on arrose pour créer la vapeur d’eau chaude. Nous prenons place en maillot de bain sur les gradins en bois, construits sur deux niveaux différents, suivant le degré de chaleur voulu. Marine manque d’air et s’éloigne des flammes, collée à la porte où filtre un filet d’air. Gabriel s’assoit sur la banc le plus haut. Nous accumulons en quelques minutes toute la chaleur qui nous avait tant manquée. Pour ceux qui se rendrait à Kukkolaforsen, sachez que le meilleur horaire pour une douche de qualité se situe entre 14h et 15h, juste avant le pic de fréquentation du sauna.
Les Martinets noirs font retentir leur stridulations aiguës le jour de notre départ. Aujourd’hui, Vendredi 29 Mai, nous partons en Finlande. La frontière est à une quinzaine de kilomètres au Sud, en suivant le fleuve. Le vent nous porte jusqu’à Haparanda, jumelle suédoise de Tornio côté finlandais. Les supermarchés, les magasins détaxés, et un gros Ikea forment un agrégat d’entrepôts concentrés sur cette ligne imaginaire. Ce sera le dernier paysage que l’on verra de la Suède, au bout de 45 jours et 2000 kilomètres pédalés dans ce pays. Notre portion préférée reste sans aucun doute la traversée de Göteborg à Sundsvall, à l’intérieur des terres. La partie côtière de Sundsvall à Haparanda (eurovélo 10) nous a un peu moins convaincus : l’itinéraire est mal tracé, parfois dangereux quand il nous envoie sur l’autoroute sans possibilité de détour, et trop éloigné de la Mer de Botnie à notre goût. C’est une portion que nous ne recommanderions pas en vélo.
Premier ravitaillement en Finlande. Excellente nouvelle : les roulés à la cannelle, un de nos carburants favoris (avec le beurre de cacahuètes), sont absolument énormes. A l’image des mots en finnois à rallonge, indécryptables, truffés de doubles lettres et de trémas. Gabriel compatis avec les dyslexiques finlandais, c’est déjà assez difficile en français ! On engloutit nos friandises sur le parking du supermarché, avant de partir plein Est. Puis nous changeons de cap, plein Nord à Keminmaa et désormais nous n’en changerons plus pendant toute notre traversée Finlandaise.
Nous remontons Hemijoki le long de pistes cyclables agréables. Nous découvrons un nouveau biotope : saules, sorbiers, trembles et toujours des bouleaux bien sûr. Les feuillus de la ripisylve attirent les Bruants des roseaux qui sont nombreux à chanter. Notre premier bivouac est déniché à la troisième tentative. C’est un « laavu » (abri en finnois) sur une aire de mise à l’eau des barques de pêche. Gabriel s’abrite pour faire démarrer le réchaud dans la cabine de bain, seul endroit sans vent. Ce soir le soleil se couche à 00h17 et se lèvera à 2h13. Entre ces deux horaires, le ciel est si clair et les nuages sont dans le soleil que l’on peut considérer que la nuit, telle qu’on la connaît, a disparu.
Le lendemain, les Hirondelles rustiques balayent les champs en quête d’insectes volants. Elles nous foncent presque dessus pendant notre pause sur le barrage hydroélectrique de Ossauksentie. La rivière s’élargit et nous arrivons à Muurola, dernière étape de la journée, après 71 kilomètres. On s’assoupit dans l’herbe, au chant de deux Chevaliers guignettes se poursuivant au ras de l’eau. Puis deux pêcheurs du soir s’installent sur le quai, et il est temps pour nous de refermer la tente.
Mardi 31 Mai, le terrain de sport voisin est animé par un tournoi de base-ball. Nous réalisons que le gros bâtiment à côté de notre bivouac est en fait le complexe sportif du collège de Muurola. Depuis la Suède, nous avons constaté que les terrains de sports sont des lieux de vie, investis par les habitants, à l’image de la place du village chez nous. On joue, on grille des saucisses, on regarde le jeu, on s’installe en famille sur de grandes nappes étalées sur le gazon.
Notre destination du jour est Rovaniemi, dernière grande ville avant le désert commercial du Nord de la Finlande. Nous nous mettons en quête de pièces de rechange (celles que l’on avait pas trouvées en Suède, ou alors à des prix exorbitants) : il s’agit de la cassette de pignons de la roue arrière et de la chaîne, pour chacun de nos vélos. Elles ne sont pas encore usées, mais avec les milliers de kilomètres qu’il nous reste à faire, nous anticipons l’usure de la transmission. Les prix sont élevés dans les deux premiers magasins, on ne sait pas quoi faire mais il nous reste une dernière chance à l’atelier « Martin Pyöräkorjaamo » référencé sur internet. Nous entrons par une petite porte de service dans un bazar de roues, de chambres à air, de pièces détachées, de vélos entassés jusqu’au plafond. Pas de doute, nous sommes au bon endroit. Marine avance dans l’atelier, à petit pas entre les vélos car il y a très peu d’espace pour circuler. Martin, mécanicien de stature imposante en salopette grise, cheveux longs, sort de l’arrière-boutique une paire de cassettes ainsi que deux chaînes toutes neuves. Il nous fait un bon prix et nous repartons avec un grand sourire.
Nous sommes maintenant fin prêts pour la Laponie. Nous dépassons à Napapiiri le cercle polaire arctique, précédé du village de Santa Klaus (le père noël) : des infrastructures touristiques du type cottages rouges dupliqués à l’identique, des magasins de souvenirs, du personnel déguisé en lutins… On joue sur les mots en qualifiant tout ça d’horreur boréale ! On passe notre chemin, mais surprise, la piste cyclable s’arrête ici. Nous rejoignons donc la E75, seule route vers le Nord que nous suivrons pendant encore deux semaines. On ne profite pas vraiment du paysage, concentrés sur notre rétroviseur. Contrairement à ce que nous avons vécu en Suède et au Danemark, les camions nous doublent largement et c’est appréciable. Nous arrivons sur une aire de repos sur le bord de la rivière, aménagé avec des abris de grillade. Mais nous préférons nous installer en face, au laavu Ukkoharri, non accessible aux véhicules car il faut passer par une passerelle piétonne en bois. Les camping-cars sont de plus en plus nombreux. On sent que comme pour les moustiques, la saison commence. Nous installons notre bivouac « façon Danemark » en tendant des bâches sur l’ouverture de la cabane, car il n’y a pas de place pour planter la tente : le sol, très irrégulier, est couvert de myrtilles en fleurs. La fréquentation du lieu se mesure à la quantité de bouleaux écorcés vifs pour démarrer les feux de bois. La nuit n’est pas excellente, très chaude, et nous sommes embêtés par quelques moustiques.
Réveil le premier Juin au son de la pluie sur notre abri. C’est une sensation unique d’être dans une cabane au milieu d’une forêt de bouleaux, au chaud dans son duvet entourés de cet air humide et des odeurs forestières. Nous prenons le petit déjeuner en regardant couler Raudanjoki, et consultons la météo qui prévoit de la pluie toute la journée. Nous repérons un abri pour le déjeuner mais nous l’atteignons trop tôt dans la matinée. Le plafond nuageux descend, la pluie s’intensifie. Deux allemands sont descendus de leur voiture pour nous filmer en haut d’une côte et nous encourager. On ne s’arrête pas (on le regrette maintenant), car nous cherchons depuis des kilomètres un endroit abrité pour déjeuner. Une heure après, on ne trouve qu’un vieil abribus à la structure douteuse et au toit arraché, pour tartiner nos sandwich, sous le regard curieux des automobilistes. Les chargements des camping-cars nous amusent : il y a ceux qui transportent leur voiture sur remorque, leur moto, et même la caravane en plus du camping-car. Beaucoup de plaques allemandes, hollandaises et suisses. Nos préférés, sont ceux qui transportent leur vélos, peut-être pour « faire le Cap Nord à vélo », qui sait ?
La pluie s’arrête, et le ciel s’éclaircit enfin. Le long de la route E75, les possibilités de bivouacs sont réduites. Beaucoup de terrains sont clôturés, peu de chemins en partent, et aucun « laavu » à l’horizon. Au hasard d’un coup d’œil opportuniste, une grande étendue verte est visible à travers les arbres et nous fait faire demi-tour. C’est un terrain de sport au gazon impeccable, bordé d’une piste d’athlétisme avec un toilette sec en très bon état. La pelouse est trop bien entretenue pour que l’on ose y planter la tente. C’est tentant, mais on préfère s’installer en marge, sur les graviers, avec les moustiques voraces !
Jeudi 2 Juin, en début de matinée, nous passons sur ce qui semble être un aéroport de secours. On se retrouve tout d’un coup sur une route à au moins 10 voies. La route est toute droite plein Nord jusqu’au camping de Sodankylä, halte ressourçante, et pleine de rencontres. Les allers-retours à la cuisine et à la laverie sont autant d’occasions de faire connaissance. Avec ce couple de français de Rennes, arrivés jusqu’ici en camping car, ces deux hollandaises qui embourbent leur van à quelques mètres de nous, sauvées par un bulldozer. Cet allemand enthousiaste et rieur qui étudie notre parcours sur sa carte routière. Nous partageons plusieurs repas avec Mikko, cycliste finlandais à destination de Tromsö.
Le lendemain, il retarde son départ à cause de la pluie qui s’abat sur la région. Nous faisons plus ample connaissance pendant un café à rallonge dans la petite cuisine. Arrive une nouvelle cycliste qui passe la tête par la porte, trempée. On lui propose aussitôt une boisson chaude de bienvenue. Elle suspend son gilet jaune et toute sa tenue de pluie, puis s’installe à table avec nous et dégaine sa tasse en bois, souvenir de Finlande. Pendant le déjeuner, nous apprenons qu’elle est partie seule de Berlin début Mai, et se dirige elle aussi vers le Nord. Après cette dure matinée sous la pluie, elle rêve d’un sauna et nous propose de le partager avec nous. Entre temps, Mikko s’est éclipsé entre deux averses pour son étape d’une centaine de kilomètres, et nous aurons tous les trois une pensée pour lui, pendant l’orage que nous regardons impressionnés à travers la fenêtre du sauna. Ce n’est qu’une fois côte à côte et suant que nous faisons les présentations : « elle » c’est Alexandra.
Samedi 4 Juin, nous partageons encore quelques moments avec Alexandra au camping. Elle décide de rester une journée de plus et nous convenons de prendre la route ensemble le lendemain, pour essayer de rouler à trois. Départ dimanche à 10 heures pile, notre trio jaune fluo roule vite, le vent est avec nous. Nous battons notre record de moyenne (20km/h) et atteignons rapidement la réserve de Ilmakkiaapa. Impossible d’y faire rouler les vélos, on « s’emmarécagerait », absorbés dans la tourbe sans laisser de trace. Nous arpentons à pied ce grand marais, avançant avec prudence sur des planches épaisses à fleur d’eau. Certaines basculent à notre passage, il vaut mieux être seul sur une planche pour ne pas éjecter l’autre façon catapulte. On se hisse plus loin sur l’observatoire, pour grignoter et scruter les environs. Beaucoup de moucherons et pas beaucoup d’oiseaux…
Durant l’après-midi, il est impératif de remplir nos bouteilles. On trouve un café, seul commerce depuis des kilomètres, parfait pour un ravitaillement en eau potable. Gabriel a repéré sur la carte une aire aménagée près de la rivière Kitinen. Nous l’atteignons un peu tôt, mais le lieu est idéal et décidons d’y rester à l’unanimité. C’est un « Kota » circulaire rouge, au toit conique, avec un grand foyer central et du mobilier en bois. Nous passons la fin d’après-midi à discute, lire, et boire du thé autour d’un bon feu.
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Bravo. Vous avez l’air en pleine forme !
J’ai fait la lecture de votre article à mamie Joëlle. On adore !
Sinon j’ai eu une petite pensée pour vous le we dernier car j’ai fait Macon-Tournus-Macon en vélo sur la voie bleu de long de la Saône avec Alexis. Non ça va on n’a pas été trop embêté par les moustiques ici :-))
Attention à vous le long de cette route où visiblement ça roule beaucoup. Gros bisous du tonton Etienne. Bisous
Merci tonton ! On est ravis de savoir qu’on est lus à l’autre bout du globe. On est bien bronzés, et les moustiques apprécient les cyclopithèques… Toujours en pleine forme, prêts pour redescendre un peu plus au Sud. Grosses bises !
Bonjour à vous 2,
quel courage pour affronter toutes ces épreuves….. Je suis émerveillée par votre volonté farouche sur cet itinéraire. Ici comme vous devez le savoir on crève de chaud.
Vent genre sirocco qui séche tout sur son passage. Les orages arrivent bientot.
Marie Pierre VALENTIN 26120 UPIE
Bonjour et merci Marie-Pierre ! On espère que les températures sont plus agréables maintenant. Pour nous le mercure remonte et ça fait du bien. A bientôt pour la suite de l’aventure !