- 2022/08/30 ; Mönster – Åsa, 55 km. Bivouac du cabanon en ruine
- 2022/08/31 : Åsa – Bläshammar, 50 km. Bivouac du pré dont on ne trouve pas l’entrée
- 2022/09/01 : Bläshammar – Varberg, 25 km. Au camping des poiriers qui donnent
- 2022/09/02 > 2022/09/04 ; Le retour des oiseaux à Getterön
- 2022/09/05 ; Varberg – Falkenberg, 48 km. L’observatoire des attaques de Pygargue
- 2022/09/06 : Falkenberg – Laxvik, 63 km. Soirée avec des Bernaches nonnettes
- 2022/09/07 : Laxvik – Torekov, 48 km. Rencontre avec Paul et une Barge rousse
- 2022/09/08 : Torekov – Farhult, 63 km. La lande des faucons
- 2022/09/09 : Farhult. La réserve naturelle de farhult
- 2022/09/10 : Farhult – Domsten, 51 km. Le bivouac des phoques
- 2022/09/11 : Domsten – Lomma, 76 km. La plage en miroir
- 2022/09/12 : Lomma – Falsterbo, 59 km. L’enclos des vaches de Skanör
- 2022/09/13 > 2022/09/19 : Le spectacle de la migration à Falsterbo
- 2022/09/20 : Falsterbo – Ystad, 43 km. Une nuit dans le ferry pour la Pologne
Mardi 30 août. La rosée forme de micro gouttes sur la partie ouvrante que l’on dézippe avec précaution pour ne pas mouiller les affaires stockées dans le auvent. Aucun son d’origine humaine n’est venu perturber notre sommeil sur la péninsule de Mönster. Ce matin, il n’y a que le vent, les cris des Bergeronnettes grises dans les laisses de mer de la petite plage, et le léger ressac.
Notre rituel du matin commence aux premiers rayons du soleil. Changement de tenue, compression du sac de couchage, roulage du tapis de sol, bouclage des sacoches, éjection des sacoches hors de la tente, puis laçage des chaussures et enfin, libération de l’habitacle. Nous avons pris l’habitude de démonter la tente avant d’entamer le petit déjeuner. Par discrétion s’il y avait du passage. Nous sommes assis dans l’herbe, dos au soleil pour mieux contempler la petite plage. De minuscules puces sautillent dans le sable.
« Pas mal cette cuisine aujourd’hui …»
Autrement plus belle que celle que nous avons connue rue Marbeuf à Grenoble, avec les faïences beige surannées ornées de faisans, canards colvert, cerfs, et autre gibier de chasse.
L’Eider à duvet de la veille s’est rapproché de quelques mètres, de sorte que l’on voit mieux l’état de mue de son plumage qui se teinte de brun à mesure que l’été se termine.
L’étape suivante se situe à la même latitude, puisque nous remontons vers le Nord chercher le fond du fjord de Kungsbacka, en passant par Onsala, pour redescendre plein Sud sur un autre appendice de la côte jusqu’au village de Åsa (prononcer « Osa »). On y dépasse le cap des 8000 ! Le fond du fjord est rempli d’oies que l’on distingue depuis la voie rapide, là où l’épaisseur de roselière est plus faible. On prend une pause pour sortir la longue-vue et regarder plus précisément si parmi cet attroupement on ne verrait pas autre chose que des Oies cendrées et des Bernaches du Canada. Quelques canards siffleurs tout au plus… Peut-être pourrait-on trouver un meilleur point de vue de l’autre coté du fjord ?
Un petit détour nous emmène donc à Hanshalsholme, une ancienne place forte dont il ne subsiste qu’un monticule rocheux de quelques mètres sur lequel il faut imaginer un château médiéval. On ne voit guère mieux les oies depuis l’ancien chemin de ronde, fréquenté par des moutons indifférents à la dimension historique du site. Il s’agit avant tout d’une aire de baignade avec une plage et un ponton, que deux baigneuses remontent jusqu’à leur chaise pliante. Le lieu doit être animé en fin de semaine si l’on en juge par ce kiosque à glace, fermé pour le moment. Nous en profitons pour caler les vélos sur les solides tables rouge, sortons notre déjeuner et déplions les panneaux solaires. Gabriel corrige l’inclinaison des panneaux et branche nos batteries externes. Deux Balbuzards pêcheurs cerclent au-dessus de nous pendant un court instant. Le soleil est bien haut et commence à taper fort, c’est l’heure des rapaces.
L’itinéraire de l’après-midi suit grossièrement la courbe que le chemin de fer trace dans un paysage de champs fauchés qui nous accorde peu d’ombre jusqu’à Åsa. Nous ne passons pas par le village pour arriver au plus court dans la réserve de Näsbokroks. Cette nouvelle péninsule est un bijou de bruyère et de graminées dorés s’insérant dans des blocs de granit clair. Une fois franchi le lourd portillon à ressort, on en fait le tour en à peine vingt minutes. Les Traquets motteux fuient à notre approche, révélant en vol le motif caractéristique de leur queue bicolore.
Nous prenons connaissance des règles qui s’appliquent ici sur le panneau de bienvenue, à l’entrée de la réserve : nous ne pourrons pas bivouaquer dans ce secteur. Deux options s’offrent à nous : rejoindre le camping du village, ou bien trouver un endroit en dehors du périmètre de la réserve.
Nous n’avions pas remarqué cette parcelle attenante, très boisée, mais à y regarder de plus près, on pourrait tenter notre chance. Gabriel part en éclaireur et revient faire son rapport : « Il y a un cabanon abandonné et tout juste de quoi planter la tente entre les arbres. » Les sacoches raclent l’écorce en passant entre les troncs, et les roues font craquer le bois mort.
C’est loin d’être un terrain idéal, mais après avoir balayé les pommes de pin avec une branche sèche et récolté quelques déchets, il devient tout à fait habitable. Les quelques promeneurs qui se rendent à la réserve ne tournent même pas la tête à notre hauteur. Opération discrétion réussie, nous passons en code bivouac jusqu’au lendemain matin.
Au niveau d’un moulin en pierre nous faisons un point carto. Nous avons du temps devant nous, la côte nous plaît de plus en plus, alors on s’autorise un autre détour par Båtafjorden pour ne pas rater une seule portion de l’itinéraire côtier. Le patchwork de champs est lacéré d’une quintuple ligne haute tension qui nous fait un peu déchanter. On comprend un peu mieux la proportion de cette installation lorsque l’on déboule à Ringhals sur une énorme centrale nucléaire. Ce n’est probablement pas ici qu’on trouvera un coin pour s’arrêter déjeuner… On décide de pousser jusqu’au port de Bua car la faim se fait sentir. On y sera dans un petit quart d’heure. Mais c’est sans compter la pause ornitho qui s’impose lorsque l’on distingue dans un champ inondé de ravissants échassiers noir et blanc : des Avocettes élégantes ! Sur les parties émergées au loin on distingue aussi des Bernaches nonnettes, des Oies cendrées et quelques Courlis cendrés.
De l’autre côté de la route, dans cette anse d’eau saumâtre peu profonde, quelques petits limicoles ont trouvé de quoi se restaurer. Un coup d’œil à la longue-vue nous montre que ce sont des Combattants variés, des Bécasseaux variables et quelques Pluviers dorés.
Il est temps d’aller casser la croûte, on ne va pas rester l’après-midi à se faire frôler par les voitures entre une centrale nucléaire et une étendue vaseuse. Mais c’est sans compter sur le fait que quelques centaines de mètres plus loin, nous croisons deux ornithos, la longue-vue braquée sur le flanc d’une rigole creusée par l’eau douce se déversant dans le fjord. D’ici on voit de plus près un petit groupe de Bécasseaux variables qui plantent le bec dans le limon. On échange quelques mots avec les deux hommes qui nous confirment l’intérêt du site, en dépit des apparences. En réalité, on le devinait déjà : plus un endroit est impropre aux cultures et aux installations humaines, plus il est délaissé par défaut aux non-humains, au profit des espèces sauvages qui y trouvent refuge.
On déjeune enfin dans le petit port de Bua, devant un front de camping-car, strictement alignés jusqu’à la limite qui leur est permise, au plus près du quai mais néanmoins arrêtés par des plots qui défendent ce lieu de leur possible invasion. On passe en revue les troupes : un frigo sur roue (le surnom des camping car), un transat, un frigo sur roue, une chaise en plastique, un frigo sur roue, un roquet en laisse.
Venus de nulle part, de nombreux moineaux s’affairent immédiatement autour de notre table. Tous ces petits de l’année viennent réclamer une part de notre repas. Certains sont si peu farouches qu’il faut les repousser de la main. « Ce n’est pas bon pour vous, du balai ! ».
Les voiliers amarrés aux pontons attendent de prendre la mer, cela fait rêver Gabriel qui n’a pas navigué depuis un moment. Qui sait, peut-être qu’on larguera les amarres nous aussi, un jour ?
Les arbres qui bordent les routes que l’on emprunte prennent des couleurs d’automne. Est-ce l’effet d’une sécheresse locale ou tout simplement le signe du changement de saison ? Il faut dire que les journées ont maintenant beaucoup raccourci. Le soleil se couche vers 20h30 et cela se ressent fortement quand on a passé tout l’été sans nuit. À notre passage, les feuilles sèches qui commencent à recouvrir le sol craquent sous nos pneus. Ce soir, nous nous installons confortablement dans le coin d’un pré fraîchement fauché, contre une énorme butte dont la pente forme un dossier idéal pour un moment de lecture.
Jeudi 1 septembre. La nuit à été fraîche, au réveil il fait dix degrés dans la tente. Heureusement le soleil arrive et nous sommes vite réchauffés. Ce matin nous plions le camp à jeun pour filer à Getterön, à seulement quelques kilomètres d’ici. Trois drapeaux signalent fièrement la réserve, plantés devant une bâtisse recouverte de lierre. Nous sortons de quoi nous restaurer sur une table mi-ombragée sous un arbre du jardin attenant. Un Rougequeue à front blanc se perche sur la clôture de rameaux tressés. On entend les Fauvettes à tête noire claquer leur cri sec dans les buissons foisonnants. Des papillons se posent sur les buddleias.
Les oies défilent en nombre au-dessus du grand toit de chaume et semblent toutes se diriger vers un endroit qu’on ne distingue pas, de l’autre coté de cette épaisseur de végétation dense. Pas de temps à perdre, suivons-les ! Nous gagnons en quelques coups de pédales un des observatoires qui doit se trouver au bout de cette barrière en bois sur laquelle on dépose à la hâte nos vélos. Le petit chemin perce la végétation jusqu’à la hutte d’observation que l’on contourne pour découvrir l’horizon d’un immense plan d’eau. Des milliers d’oiseaux pataugent dans une fine épaisseur d’eau brillante. Quelle émotion ! Toutes les oies sont là, comme si elles s’étaient donné rendez-vous. Les nonnettes, les cendrées les Canada et pleins de limicoles à observer !
Cette vaste zone humide est une halte incontournable pour de nombreux oiseaux en transit, ce qui en fait un hotspot très fréquenté par les ornithos suédois de la côte Ouest, au début du printemps et en fin d’été. Cela en fait aussi une station de baguage bien placée pour équiper les oiseaux qui se prendrait dans les filets tendus à différents endroits de la réserve.
D’un seul coup, les oies décollent dans une onde de panique. Un seul coupable : le Pygargue à queue blanche, que l’on repère en arrière plan toutes serres dehors. Il a raté son coup. Peut-être visait-il une sarcelle d’hiver ? Un des guides nous apprend que ces derniers jours un des Pygargues du coin s’est délecté d’une Bernache nonnette, ce qui constitue une grosse prise. Le grand rapace part se poser bredouille sur un branche morte à la limite des pâtures des vaches, qui ne rechignent d’ailleurs pas à venir mettre les sabots dans la vase avec les oies. Puis c’est un épervier d’Europe qui tente sa chance sur les oiseaux de petit gabarit, qui donnent l’alerte aussitôt. Le plan d’eau est maintenant quasiment vide, ce qui nous motive à aller découvrir les autres observatoires.
Nous passons la journée ainsi, de poste en poste, au gré du mouvement des oiseaux et de l’orientation du soleil. Nous partons ensuite pour l’extrémité Ouest de la péninsule à Västra Getterön, une belle péninsule minérale fouettée par le vent, où défilent vers le Sud à faible hauteur des Bergeronnettes printanières et des Pipits farlouses.
Le lieu vaut la peine que l’on s’y attarde. Nous nous autorisons donc quatre nuits consécutives à Varberg. Les journées se ressemblent, entre les aller-retours à la réserve, quelques tâches administratives -comme tenir à jour notre comptabilité- ou mieux : profiter des fruits du verger de cette vieille ferme reconvertie. Notre tente est installée à quelques mètres d’un immense poirier qui de temps à autre lâche de beaux fruits qui viennent fracasser le parterre d’un grand « BOUM » dont on ressent les vibrations lorsque l’on est allongé sur le sol. Gabriel se fait un plaisir à ramasser ces kilos de fruits tapissant le sol et de les cuisiner pour en faire des compotes de pommes et de poires, un délice ! Tout cela, sous le regard d’une famille de Pigeons ramiers qui loge juste au-dessus de notre toit, que l’on a pas l’air d’incommoder pendant leurs séances de nourrissage ou les recherches de brindilles pour un nouveau nid.
Lundi 5 septembre. Nous quittons Varberg et les oiseaux de Getterön. Cap Sud Est, sans vraiment regarder la carte car l’itinéraire de la côte est bien fléché. Un panneau indique « fågeltårn 3km » sur notre droite. Cela signifie « tour d’oiseau », autrement dit observatoire, autrement dit motif impérieux de détour. Nous faisons donc le crochet par l’observatoire de Gamla de manière tout à fait fortuite. L’eau est très basse, les oiseaux sont loin, mais les couleurs de cette lande rousse et ocre sur laquelle glisse l’ombre d’un nuage sont magnifiques. Deux Busards des roseaux sont de sortie, que l’on perd de vue derrière la végétation. Du côté de la baie Sud du petit port de Gamla, un groupe de Vanneaux huppés décolle à notre passage et s’élève dans un nuage scintillant de noir et blanc.
La pause ornitho suivante est aussi celle que l’on choisit pour déjeuner. La réserve de Morups Tange fait partie des lieux indiqués par une brochure consultée à Getterön répertoriant les principaux sites de la côte Ouest. Nous y arrivons par une zone pavillonnaire du village de Glommen, où les limites de propriété sont matérialisées par des murets en gros galets de granit, tels qu’on en voit maintenant partout dans la campagne, dans les champs ou autour des églises.
« Fyrvägen » indique que nous sommes bien sur la rue du phare que nous ne tardons pas à apercevoir. Les champs bordant l’eau sont remplis d’oiseaux. Impressionnant tableau tout en noir et blanc, avec des Bernaches nonnettes par milliers, des Choucas de tours, des Corbeaux freux et des vaches bicolores assorties en prime.
Nous marquons une pause au pied du phare en compagnie d’un Traquet motteux qui se perche l’air de dire « Dis donc, c’est chez moi ici», et des Roitelets huppés qui susurrent quelque chose dans les pins rabougris. Le ciel se remplit d’un coup de nuages d’oies venues des champs plus au Nord. Une seule explication, qui ne tarde par à montrer son gros bec jaune : encore le Pygargue ! Il fait décoller ainsi deux fois les nonnettes qui font des aller-retours entre deux zones, dont une que nous n’avons pas encore exploré : la baie Sud de Morups Tånge, une baie peu profonde propice aux haltes migratoires, où plus de 280 espèces d’oiseaux ont déjà été observées.
Encore une fois, la marée est basse ce qui nous oblige à poser les vélos et continuer un peu à pied pour se rapprocher des zones intéressantes. Nous faisons fuir sur notre passage des quantités de lapins et quelques Alouettes des champs avant de trouver un chemin plus praticable où nous occasionnons moins de dérangement. La longue-vue est nécessaire au regard de la distance qui nous sépare des quelques limicoles les plus proches : encore des Bécasseaux variables, des Combattants variés, et des Pluviers dorés, on est abonnés !
On guette de loin les vélos. C’est bon, les chevaux ne s’en sont pas rapprochés. On voudrait éviter de se faire dévaliser comme à Vardø où un cheval enhardi mâchait tranquillement le sac de pommes tiré du porte-bagage de Marine.
Grande déception lors d’une pause ravitaillement à Falkenberg : Gabriel perd sa béquille si savamment construite. Cela fait des milliers de kilomètres que nous utilisons des morceaux de perches de signalisation routière glanés sur le rebord des routes scandinaves. Des oranges pour la Suède, des vertes pour la Finlande, des noires pour la Norvège, on en a même trouvé des bleues. Ce tube plastique relativement épais à bandes réfléchissantes était parfait pour servir à la fois de support à l’arrêt puis d’écarteur de danger en mouvement. Seulement elles avaient tendances à rompre sous le poids de nos vélos. Celle qui vient d’être perdue avait été renforcée par une âme en bois ajustée sur toute sa longueur transformant ce tube de plastique souple en une vrai trique. Cette amélioration avait fait ses preuves !
En fin de journée nous rejoignons par un chemin de terre un joli bivouac, près de la réserve naturelle de Källstorp référencée sur la brochure précédemment citée. Encore une réserve créée dans un endroit pas possible : un résidu coincé entre une voie de chemin de fer et l’autoroute. Le panneau de présentation cloué sur la plateforme d’observation indique que la réserve est séparée en deux, il y a donc un autre observatoire à environ deux kilomètres. Marine s’y rend en vitesse pendant que Gabriel monte le camp. La nuit tombe de plus en plus tôt, les mouvements d’oies rejoignant leur dortoir sont de plus en plus fréquents, il ne faut pas traîner.
Combattants variés, quelques Bécasseaux variables, des Chevaliers guignettes, des Chevaliers aboyeurs ; le plan d’eau et les deux observatoires de cette seconde partie de la réserve méritent effectivement que l’on y retourne demain avec la lumière du matin.
Mardi 6 Septembre. A l’aube, un troupeau de vaches broute paisiblement à quelques mètres de notre tente. Poussé dehors par sa vessie, Gabriel fait décamper toute l’assemblée. Sauf une, complètement ébahie, figée devant lui, les yeux grands ouverts, et l’observant tout du long. Qu’est ce qui a bien pu lui passer dans la tête ? Elle devait être sidérée de voir ainsi souillées ces belles touffes d’herbe fraîches et pleines de rosée qu’elle se réservait pour son petit déjeuner !
La matinée commence à l’observatoire de Källstorp en compagnie d’un ornitho local. Nous échangeons nos observations et il nous signale qu’un Pygargue s’est posé avant que l’on arrive. Juste derrière des plantes à ombelles séchées, il est pratiquement indétectable tant qu’il ne bouge pas. Nous attendons tous les trois avec impatience qu’il décolle. Quelques minutes plus tard, se produit l’inévitable : mouvement de panique chez les oies, mais le rapace termine bredouille. Un Busard Saint-Martin passe tout près de l’observatoire. Gabriel photographie des Chevaliers aboyeurs et des Combattants variés, qui ont eu la brillante idée de venir sonder l’eau juste sous les volets de bois de la cabane. Plus loin, du haut de la haute plateforme d’observation, pas grand-chose de plus que la veille. Le terrain est sec, il est normalement complètement inondé nous apprend l’homme qui a assisté avec nous à l’attaque de Pygargue. Des frelons ont élu domicile dans le nichoir fixé au pied de la tour. Nous faisons profil bas et précipitons notre demi-tour pour rejoindre la route principale.
Sur le chemin on s’arrête pour faire « fika » à la plage de l’horloge dont Geneviève nous avait parlé. Assis sur les rochers avec nos roulés à la cannelle, on se dit qu’elle a quelque chose de surréaliste cette horloge de gare, suspendue à son mat planté dans le sable. Cela ressemble à un décor imaginé par Fred dans les aventures de son héro Philémon où l’on passe d’un monde à un autre dans ce genre d’endroits. Ou bien un film de Tati, avec cet homme en costard raide qui passe devant nous, une chaise de plage à son bras comme un serveur avec son liteau blanc. Deux cyclistes débarquent près du bloc de toilettes, sono intégrée au vélo avec une enceinte portative dans le porte-bidon. Au secours. Pourvu qu’ils ne restent pas trop longtemps à gesticuler sur leur musique comme s’il étaient en soirée. Et comme s’ils étaient tout seuls surtout. Marine prend sur elle pour ne pas faire de remarque. Quelles connexions neuronales peuvent bien amener certaines personnes à ce genre de comportement ? On y verrait presque une forme primitive de marquage de territoire. Je remplis l’espace sonore donc je suis. Je plaque ma musique sur cet environnement donc je le fais mien.
Nous consultons la carte pour faire le point sur le potentiel bivouac du jour. La ville de Halmstad n’est plus très loin ; on songe à la dépasser dans l’après-midi pour trouver quelque chose au-delà des zones urbanisées. Cela tombe très bien car Leffe, un cyclo suédois croisé au Sud de Göteborg, nous avait donné les coordonnées de certains de ses bivouacs, dont un que l’on pourrait atteindre ce soir. Pour l’heure, nous sommes à Steningskusten devant un îlot couvert de Cormorans. Un kayakiste s’en approche en mouvement réguliers de pagaie. La Suède en kayak, ça doit être quelque chose…
Nous nous laissons assommer par le soleil pendant notre pause et repartons avec la tête lourde, sûrement une petite insolation, mais le ventre plein. Nous mettons nos œillères pour traverser Halmstad par un périphérique à vélo qui a le mérite de nous faire traverser la ville rapidement.
Ce soir nous dormons dans la baie de Laxvik qui est déjà occupée par une famille de Bernaches nonnettes. Cette fois-ci nous avons la chance de pouvoir les observer de près. Gabriel tente une approche en contournant le groupe par un endroit où le relief le dissimule. La plupart d’entre elles dorment la tête sur le dos. Mais il y en a une parmi elles qui est plus alerte, le cou tendu par l’inquiétude. Puis son corps s’assouplit, et elle finit par imiter ses voisines. Des milliers d’oies sont massées au fond de la baie, à environ un kilomètre. Les trois pêcheurs du bout du rocher lancent inlassablement leur ligne. Ils ne repartiront qu’en pleine nuit, à la frontale.
mercredi 7 septembre. Toutes les oies de la veille ont disparu. Sur notre table tout est prêt pour attaquer le petit déjeuner quand un chien nous rend visite (marquant au passage son territoire sur notre tente que l’on aurait dû démonter d’ailleurs), suivi de ses maîtres -un couple de seniors en peignoir. Le muesli aux graines attendra, car on est toujours contents de faire connaissance quand l’occasion se présente. C’est surtout lui qui parle ; sa femme part avec le chien. Teint hâlé par les vacances éternelles, mèche blonde rangée sous des lunettes vintage et peignoir rayé brun et blanc. Il prend appui sur une de nos selles pour nous parler. On comprend que ce couple de retraités est plutôt aisé. Ils sont sur le point de fermer leur maison de vacances ici avant de rentrer à Stockholm. Il connaît Vardø et les Lofoten, où ils séjournent de temps en temps. Leur fils est chef étoilé à Oslo. Leur chien a été adopté il y a un mois mais c’est déjà un membre de la famille. Lui a fait Paris Barcelone en mobylette il y a de ça bien longtemps. À une époque où l’essence n’était pas une contrainte. Ils nous souhaite bonne chance avant d’aller se baigner pour la dernière fois de la saison à Laxvik.
Ce matin l’itinéraire cyclable Kattegatleden traverse la réserve Laholmsbuktens à la manière d’un jeu de piste dans les bois. Les plages et les pinèdes se succèdent, l’atmosphère est agréable, cela prend un petit air de vacances. À la sortie des bois, nous faisons halte dans notre station service préférée, pour s’offrir un chocolat chaud et profiter de la connexion internet à volonté. Marine lorgne sur les présentoirs à lunettes de soleil. Il y a eu trop de journées où la forte luminosité a provoqué des migraines. L’affaire est conclue après quelques essayages.
A peine deux ou trois kilomètres plus loin un beau bâtiment nous interpelle. Stop ! Ce ne sont que de simples toilettes, mais quel sens du détail. D’un programme si élémentaire les architectes ont fait un pavillon de jardin distingué, et ce n’est pas la première fois que nous faisons ce constat. Les communes suédoises mettent à disposition de nombreux toilettes publiques gratuites… Si propres et bien entretenues que l’on se demande bien comment des touristes suédois percevraient les choses chez nous.
En fin de journée à Torekov, lors d’une halte ornithologique pour Marine, Gabriel resté sur la piste voit arriver en contre sens un cycliste de notre catégorie (avec un chargement conséquent). Il le salue en anglais, l’autre fait de même. Leur accent les a trahis, ils se rendent compte immédiatement qu’ils sont tous les deux français. Paul est un jeune aventurier d’une vingtaine d’années parti seul de Lille en direction de Athènes. Une fois arrivé en Grèce, il a décidé de mettre le cap au Nord pour maintenant se retrouver en Suède et redescendre par le Danemark. La discussion se prolonge et l’heure tourne. Nous décidons de bivouaquer ensemble un peu plus loin. Le périmètre de la réserve ne nous permet pas de bivouaquer n’importe où mais un rapide coup d’œil sur la carte nous indique un abri et un point d’eau potable à trois cents mètres. La lumière baisse à mesure que nos conversations s’animent sur les joies du voyage à vélo.
Jeudi 8 septembre. Nous avons bien choisi notre heure pour lever le camp car une classe d’enfants vient s’installer à côté. Il s’agit manifestement du cours de course d’orientation. Ils essaient quelques mots de français en rigolant. Paul part de son côté, et nous continuons vers le sud. Gabriel passe un long moment à photographier une Barge rousse que Marine vient de repérer aux jumelles à côté du port. La Barge rousse figure parmi les migrateurs très longue distance, capable de parcourir plusieurs milliers de kilomètres sans escale. Nous les avions observées en période de reproduction dans le Varanger et nous en retrouvons maintenant sur la côte de la mer de Cattégat, dans un couloir migratoire important, au carrefour de la Suède et des îles du Danemark. Le Varanger se situe à moins de deux mille kilomètres à vol d’oiseau. Peut-être est elle parvenue au port de Torekov sans s’arrêter ?
Le vent souffle de face et notre avancée est lente, dans ce petit village aux rues pavées. Beaucoup de toits sont couverts de chaume et continuent d’être entretenus ainsi, coiffés de bois fendu retenant le tapis de paille du faîtage. Nos vélos nous guident, les kilomètres s’enchaînent. De temps en temps des Milans royaux accompagnent la course avant de nous quitter, bousculés par les rafales. Le soir nous arrivons dans un lieu que Paul nous avait indiqué. Une sorte de refuge tout en longueur au milieu d’une réserve naturelle. Trois pièces en enfilades ; celle du centre, meublée d’une grosse table s’ouvre entièrement sur le paysage à l’aide d’une grosse et lourde porte coulissante à deux battants. À droite et à gauche, des dortoirs avec des lits superposés. Il y a même une prise USB pour recharger les téléphones et de l’eau courante. On pourrait y rester deux nuits pour laisser passer la pluie annoncée. Dehors, sous ce ciel du couchant, les oies passent et repassent en caquetant. Adossés au mur, on regarde passer les lignes de nonnettes, les triangles bien formés des cendrées, et les bruyantes Canada. Vers 20h30, au moment ou les chauve-souris et la Chouette hulotte sortent, les cyclopithèques rentrent se coucher.
Le 9 septembre il pleut et l’on s’accorde un jour de repos. On s’occupe aux tâches que l’on reporte toujours à plus tard : repriser nos vêtements, nettoyer le réchaud à essence qui devient capricieux, lecture et repos… Marine fait plusieurs allers-retours à l’observatoire entre les averses, à quelques minutes en vélo. La réserve naturelle de Jonstorp-Vegeåns dans laquelle nous nous trouvons offre des milieux très variés. On y trouve des forêts qui côtoient des prairies côtières pâturées et des dunes de sable. Là où la rivière se jette dans la mer, l’eau douce se mélange à l’eau salée, créant ainsi un estuaire qui regorge de vie. Il paraît que dans la baie de Skälderviken on peut voir des marsouins et des phoques. RAS aujourd’hui à part des kitesurf ! Outre la multitude d’oies et de limicoles côté vasière, nous avons observé plusieurs Busards des roseaux et un busard Saint-Martin au-dessus des roselières, et deux Faucons hobereaux ainsi qu’un épervier en chasse sur les prairies.
Samedi 10 septembre. Le vent dans le dos nous pousse rapidement au bout de la péninsule de Kullaberg où est installé le Phare de Kullens. Sur ce point culminant se dégage un très bel horizon où l’on peut observer la jonction de deux courants marins qui se matérialise en surface par une longue ligne sinueuse d’écume. Installée au pied du phare, Marine n’observe pas de passage migratoire, est-ce un peu tard ou un mauvais jour? Tout d’un coup nous remarquons qu’il a de plus en plus de monde qui passe sur ce site, c’est le week-end et les gens viennent se promener ici. C’est le signe pour nous de laisser la place. Sur notre retour quelques mésanges à longue queue passent par grappes juste devant nous, nous pouvons observer brièvement ces cousines nordiques de nos mésanges à longue queue. D’adorables boules de plumes blanches dans laquelle se perdent une paire d’yeux et un bec microscopique.
La route de l’après-midi longe au plus près la côte, et nous mène à une très belle pinède indiquée par Leffe, au niveau de Domsten. À travers les longs troncs de ces pins, le soleil rejoint doucement la mer. Le pic épeiche tape sur les écorces qui crépitent. Devant nous, sur cette petite île, à quelques centaines de mètres de notre tente est installée une colonie de phoques.
dimanche 11 septembre. Ce matin Marine se précipite sur la plage pour observer de nouveau la colonie de phoques. Ils sont toujours là, à se délasser sur les cailloux mais il n’y a plus aucun Grand cormoran, un Pygargue à queue blanche vient de faire le ménage.
Sur le parcours de ce matin nous avons repéré des douches de plage, un peu avant Helsingborg. C’est décidé, la crasse et les cheveux qui grattent, c’en est trop : même froide, nous irons nous laver. On s’arrête à un petit aménagement de plage comme on en voit beaucoup. Un parterre de bois, des toilettes, des bancs et des tables, et une douche extérieure. Cette salle de bains est parfaite ! Sous le regard d’un couple en doudoune, nous passons l’un après l’autre sous cette grosse pluie qui s’avère froide. L’un actionne le bouton poussoir pour l’autre comme pour faire une farce sauf que c’est pour de vrai. Un fois rhabillés, nos deux témoins emmitouflés viennent nous offrir gentiment quelques fruits rapportés de leur jardin : on n’en demandait pas tant !
La route traverse de nombreux terrains de golf, les maisons de brique à colombages se font de plus en plus fréquentes entre des villas cossues, les paysages changent et prennent un air de Riviera.
12 Septembre. Tout autour de la tente un épais brouillard se dissipe lentement. Les gouttes de rosée ruissellent sur la toile et la brume qui entoure notre campement crée une étrange atmosphère. Petit à petit, les arbres apparaissent et nous reconnaissons la clairière en retrait de la plage de Lomma, dans laquelle nous nous étions installés la veille. Après la brume, l’eau qui s’étend devant nous est un miroir où les oiseaux comptent double. Il y a une lumière incroyable. Marine en profite pour faire ses observations et Gabriel essaie de saisir ces instants magiques dans son appareil photo.
Avant de rejoindre Malmö, nous faisons halte à l’école d’horticulture locale dont on nous a conseillé de visiter les jardins, puis une autre pause dans la anse de Lommabukten. On y rencontre un ornitho venu prendre un bol d’air avec les oiseaux, visiblement surmené par son travail au bureau. « C’est la meilleure thérapie qui existe, pas vrai ? » lui adresse Marine.
L’homme aux Swarovski autour du cou nous apprend que pour la première fois depuis des décennies, un couple de Guêpiers d’Europe a niché et donné naissance à cinq petits sur la côte Sud près d’Ystad. Incroyable pour cette espèce qui d’ordinaire ne migre même pas jusqu’au Nord de l’Allemagne. Ce couple a donc traversé la mer baltique et trouvé un talus sablonneux à son goût pour y creuser leurs galeries.
Quelques kilomètres plus loin, en plein centre de Malmö, nous avons rendez-vous avec Claire, pendant sa pause. On passe un moment très sympathique avec cette française qui habite et travaille ici dans un bureau d’études environnementales. Elle suit nos aventures à travers les réseaux sociaux depuis les îles Lofoten et nous a fait signe il y a quelques jours. À 14h00 nous n’avons parcouru que dix kilomètres, et il nous en reste encore une bonne cinquantaine à faire avec le vent de face pour atteindre notre but : la réserve naturelle de Falsterbo. Nous savons où dormir, car Paul et Leffe nous ont tous les deux confirmé que l’on pouvait s’installer dans un abri au milieu d’un enclos entouré de vaches. Pour une fois que les hommes se retrouvent enfermés à la place des animaux !
13 septembre. Gabriel se lance encore dans un démontage complet du multi-fioul car il ne fonctionne toujours pas. On arrive tout de même à préparer quelque chose, à base de graine de couscous gonflée dans l’eau chaude tirée des mitigeurs des toilettes et conservée dans notre thermos (astuce cyclo : toujours prévoir une petite bouteille qui passe sous les mitigeurs). Les réchauds à essence c’est très bien mais certains combustibles encrassent le mécanisme. Le nôtre a des problèmes depuis le Varanger. Cette fois-ci il est irrécupérable. Nous mangerons froid jusqu’à ce qu’on en trouve un autre… A moins qu’on utilise le réchaud à bois de secours ? Mais oui ! On se traîne ce kit en tôle d’acier pliable depuis le début sans jamais l’avoir sorti. Marine se fait un plaisir de débiter des bûchettes bien sèches d’un morceau de bois en prévision du prochain repas.
Nous partons explorer la tant attendue péninsule de Falsterbo. En effet, ce bout de terre à la rencontre des côtes Ouest et Sud de la Suède est le dernier que les oiseaux peuvent longer avant de traverser la mer pour rejoindre les côtes les plus proches au Danemark. Une traversée au-dessus de la mer est une rude épreuve, surtout pour les passereaux, qui par mesure d’économie font le grand saut par le chemin le plus facile. La pointe de Falsterbo constitue pour cette raison un passage clé de la migration des oiseaux nichant en Scandinavie. Au début de l’automne, ce sont des millions d’oiseaux qui affluent en masse vers ce point unique. En ce mardi 13 Septembre il est encore un peu tôt pour observer ce phénomène mais on entend partout que les Tarins des aulnes sont bel et bien en mouvement. Plusieurs milliers sont dénombrés en ce moment lors du suivi migratoire que les ornithologues de la station assurent tous les matins. Sachant qu’une grande partie migre essentiellement de nuit, il ne s’agit que d’une petite part du flux migratoire perceptible. Nous partons en direction du phare qui abrite la station ornithologique, dans l’espoir d’y trouver plus d’informations sur les lieux et le fonctionnement du suivi des oiseaux.
Nous atteignons le phare au bout de huit kilomètres, perdu au milieu d’un golf immense, non loin des plages de sable clair et de cabanes de bains colorées. Le bâtiment est fermé et il ne semble pas y avoir d’accueil. Nous apprendrons plus tard que le phare n’ouvre ses portes au public que les Samedis et Dimanches. On risque d’être partis bien avant, quel dommage !
Les golfeurs parviennent on ne sait comment à viser juste malgré ce vent à vous dresser les cheveux à l’horizontale. Sale temps pour les ornithos, les conditions ne sont vraiment pas propices aux observations. La longue-vue tremble même lestée, les oiseaux sont quasiment absents et les coups de pédales deviennent de plus en plus durs, chargés comme on l’est. On décide de passer une nouvelle nuit dans l’abri, en installant cette fois la tente à l’intérieur pour se protéger du vent.
Le mercredi n’est guère mieux. On se repose toute la matinée avant de repartir vers la pointe de Nabben, un des sites indiqués sur le site internet de la réserve, pas très loin du phare. Nous coupons à travers un grand parc et nous arrêtons à la hauteur de deux personnes, jumelles en l’air braquées sur quelque chose. Nous sortons les nôtres en silence. « Qu’est ce que c’est ?» demande Marine en chuchotant. « C’est une chouette aigle, on ne la voit que d’ici » répond un homme blond longiligne qui nous dépasse d’une tête, en pointant du doigt ses pieds. Il nous laisse sa place pour que nous puissions voir à notre tour le plus grand hibou qui soit : un Grand duc d’Europe. Sa présence a été trahie par les cris de Corneilles mantelées qui ne tolèrent pas sa présence, et donnaient l’alarme en haut de ce grand pin. Gabriel essaie de trouver un point de vue pour photographier le hibou à travers les feuilles et attend de croiser le regard de ce rapace nocturne. Il daigne ouvrir ses yeux vers nous, de grosses billes rouges luisantes percées d’une pupille noire.
L’observatoire de Nabben est battu par les vents mais nous pouvons nous y abriter pour scruter les canards sur la longue langue de sable qui se perd dans la mer. Un renard passe sans les effrayer. Les dunes referment un plan d’eau plus calme où quelques limicoles s’affairent. Un des responsables du comptage est à son poste, avec tout l’attirail : longue vue, jumelles, chaise, compteurs (plusieurs pour les espèces les plus fréquentes), thermos et carnet de notes. Il nous conseille de venir tôt le matin, un jour où le vent se calmera. S’il se calme un jour ! Les prévisions ne vont pas dans le bon sens… Nous faisons connaissance avec un couple de naturalistes allemands, aussi déçus que nous de voir si peu d’oiseaux.
Nous rentrons à l’intérieur des terres nous abriter pour manger sur une placette pavée du centre de Falsterbo. Un homme gare son vélo près de nous pour faire ses courses dans la supérette d’à côté. Il enlève son bébé du porte bagage puis s’adresse à nous en français. « Vous êtes ornithologues ? » Marine porte la main à ses jumelles en acquiesçant. « Il y a un Hibou dans le parc juste à côté, le personnel du phare a donné l’alerte quand ils l’ont vu survoler la zone ». On comprend qu’il s’agit du même individu observé tout à l’heure. Les nouvelles vont vite quand il s’agit d’un oiseau exceptionnel. Nous n’avons pas beaucoup de temps pour faire les présentations car il semble très pressé. Tout juste apprend-on qu’il a été bagueur pendant dix ans au phare de Falsterbo.
De retour dans notre enclos, nous voyons que ne serons pas seuls ce soir car un couple d’allemands vient passer la nuit ici aussi. On leur laisse le toit et plantons la tente quasiment au même endroit que la dernière fois.
Jeudi 15 Septembre. Il y a toujours autant de vent aujourd’hui. On se rend à l’observatoire d’Ängnäset qui devrait être un peu plus protégé du vent du Nord. Nous regardons les Sternes caugek plantées sur les piquets quand débarque un groupe d’une dizaine d’ornithos, visiblement une excursion payante organisée par l’équipe de Falsterbo. On discute un peu, des espèces remarquables en présence ici, et des conditions météo. Nous les quittons avant que le plancher s’écroule sous le poids du groupe armé de longue-vues, pour entamer une marche à côté du vélo, à travers la lande. L’œil aux aguets. Quelques Pipits farlouses et Traquets motteux tout au plus. Le vent nous rend sourds, on a du mal à communiquer et le sentier est interminable. Le balisage nous fait déboucher sur le green du golf puis dans un quartier de maisons imposantes.
Nous décidons de rester au moins jusqu’au weekend et de s’offrir quelques nuits en camping. Marine avait comparé les prix des deux campings de Falsterbo et il se trouve que le moins cher est celui des naturistes. Peu importe, ils s’habillent tous quand il fait dix degrés dehors, non ? Qu’est ce qu’on risque à aller voir ? Malheureusement, une fois sur place, on apprend que les prix on presque doublé et on rebrousse chemin pour se rabattre sur le camping classique. Un bon choix puisqu’on y fera de belles rencontres et l’on y retrouve le soir bon nombre d’ornithos ayant arpenté les mêmes endroits que nous dans la journée.
Vendredi 16 Septembre : repos, lessive et rédaction pour Gabriel. Marine délaisse le travail d’écriture depuis quelque temps. Il n’y a pas que le temps passé à rédiger qui est vécu comme une contrainte, mais aussi le fait que cela nous immobilise plusieurs jours, et que cela a un coût. Il est tellement plus facile de publier de temps en temps quelques photos pour partager notre aventure. Le moral revient d’un seul coup quand elle reçoit une réponse de la station ornithologique du phare qu’elle avait sollicitée pour une visite. Nous pourrons même assister au baguage des oiseaux dès huit heures le lendemain !
Samedi 17 septembre. Le parking est plein, les environs du phares sont peuplés d’ornithos à l’affût. Marc nous souhaite la bienvenue en poussant le portail blanc menant au jardin du phare. D’origine catalane, ce grand brun trapu bague avec minutie depuis de longues années les oiseaux pris dans les filets tendus dans le jardin du phare.
De l’extérieur, nous n’avions pas remarqué ces filets entre les buissons, ni le petit bureau dans lequel il nous invite à entrer. Marc nous présente le poste de travail devant lequel deux personnes peuvent prendre place. Les bagues numérotées sont enfilées comme des perles sur des tubes souples de différentes couleurs, classées par diamètre. Les pattes des oiseaux ne grandissent pas et le poids d’un anneau en aluminium est si faible qu’il est négligeable, même pour les plus petits. Marc décroche un des sacs en toile pendus aux crochets fixés sur la tranche du bureau. Ça bouge à l’intérieur !
Il sort l’oiseau délicatement, la tête entre l’index et le majeur, les autres doigts repliés sur les pattes. De l’autre main il saisit une bague de type 1 adaptée à cette espèce, puis la pince spéciale pour la sceller. L’opération ne s’arrête pas là. L’aile de l’oiseau est mesurée, de l’épaule à l’extrémité de sa rémige la plus longue à l’aide d’un réglet métallique coudé. Il retourne l’oiseau sur le dos, souffle sur son ventre et son bas ventre, et ce pour évaluer la taille des poches de graisse présentes sur la zone. Plus elle est jaune, plus on renseigne un chiffre élevé sur l’échelle graduant ce critère, dont on retrouve un aide mémoire sur le bureau. La graisse est le carburant des oiseaux. Certains doublent leur poids en se gavant avant d’entamer leur périple, comme les grands migrateurs transsahariens. Un oiseau sans graisse n’ira pas très loin. Les Rougegorges familiers en ont relativement peu comparés aux fauvettes, car ils migrent moins loin.
L’oiseau est ensuite placé tête la première dans un cylindre de la taille d’une boite de pellicule photo, sur une balance de précision pour la pesée. Marc le fait disparaître en présentant l’oiseau dans le trou d’envol de la façade. En une fraction de seconde, ce Rougegorge familier a repris sa liberté ! Toutes ces informations sont consignées en face du code unique de la bague, constituant le fichier originel de capture de l’oiseau. Si ce même oiseau venait au cours de sa vie a être repris dans d’autre filets (ou malheureusement si la bague était lue sur l’oiseau retrouvé mort), le fichier serait complété avec de nouvelles données. Pour les oiseaux de plus grand gabarit, la bague peut même être lue à distance, ou prise en photo. L’information doit ensuite remonter au Muséum (celui de Stockholm pour les oiseaux repris en Suède). Cela fournit alors des informations précieuses sur les dynamiques migratoires des oiseaux puisque les points de passage relevés au cours de leur vie, révèlent leur zone de reproduction, leur aire d’hivernage et les voies qu’ils empruntent pour s’y rendre, leur temps de parcours, etc.
La bague reste l’outil de suivi le plus répandu car peu onéreux et ultra léger. Les balises GPS ne sont pas assez miniaturisées ni bon marché pour être généralisées à autant d’individus ; elles sont réservées à des projets de suivi plus spécifique sur des oiseaux de plus grande taille.
Pendant les quarante dernières années, la station a équipé près d’un million d’oiseaux avec un protocole identique permettant de d’accumuler des données comparables d’année en année, et ainsi produire des statistiques fiables ; desquelles tirer des tendances sur les comportements migratoires.
Nous accompagnons Marc et le reste de l’équipe du site dans le jardin, pour une nouvelle opération de relève des filets. Celle-ci a lieu toutes les dix minutes, de huit heures à quatorze heure ; ce qui donne des journées bien remplies. Les oiseaux sont démêlés du bout des doigts avec soin. Ils ne se débattent pas comme s’ils attendaient patiemment qu’on vienne les libérer. Ils sont déposés dans les sacs en toile au fond de plastique dur ajouré que les bagueurs portent à la ceinture. La végétation autour du phare est entretenue de manière à maintenir un milieu similaire aux années précédentes, nous dit Marc. Tiens, aujourd’hui, en plus des rougegorges, c’est un Troglodyte mignon, un Pinson des arbres et un Pouillot véloce qui gagneront une bague. Plus loin, on entend une exclamation d’un autre groupe : « un Épervier d’Europe ! ». Les rapaces doivent être manipulés avec une grande prudence car les serres (plus que leur bec crochu), peut faire de bonnes blessures. L’épervier sera relâché un peu plus tard, le temps de le montrer au public pendant les portes ouvertes.
Nous laissons Marc et le reste de l’équipe à leur tâche en les remerciant pour cet entretien privilégié et ce tête à tête avec les oiseaux de Falsterbo.
Pour information, voici le résultat de la demi-journée de baguage au phare de Falsterbo (car il y a d’autres points de baguage sur la péninsule également)
Espèces baguées au phare le 2022.09.17 | quantité |
Épervier d’Europe | 3 |
Troglodyte mignon | 3 |
Accenteur mouchet | 4 |
Rougegorge familier | 103 |
Rougequeue à front blanc | 1 |
Fauvette à tête noire | 3 |
Pouillot véloce | 2 |
Pouillot fitis | 1 |
Roitelet huppé | 3 |
Pinson des arbres | 8 |
Tarin des aulnes | 2 |
Total | 133 |
Les «birdeurs » migrent eux aussi, de site en site, tout au long de la journée, longue-vue sur l’épaule. En fin de matinée, la migration à la pointe de Nabben s’essouffle un peu, les passages d’oiseaux sont plus sporadiques, et il est temps de rejoindre le coin des rapaces au-dessus de la lande dégagée de Ljunge où ils sont le plus observés.
Nous retournons à Ängnäset en soirée car la lumière est plus propice aux observations et finissons la soirée avec deux ornithologues suédois dans la salle à manger du camping.
La journée du Dimanche commence très tôt pour Marine qui se lève avant l’aube pour retourner à Nabben. Les prévisions sont bien meilleures que tout le reste de la semaine, cela devrait être une bonne journée pour les oiseaux. Réveil à cinq heures quinze, Gabriel dort encore et Marine enfourche son vélo, oubliant dans l’excitation de porter son casque qu’elle ne quitte jamais d’habitude. Elle est déjà loin du camping, dans les rues endormies de Falsterbo, distillant des nuages de buée éclairée par sa frontale à chaque expiration, dans l’atmosphère fraîche de la nuit.
Chacun est à son poste, jumelles autour du cou, longue-vue déployée, dans une ambiance qui rappelle les sorties migration en Isère. À la différence près qu’ici, les oiseaux ne franchissent pas un col de montagne mais se lancent au-dessus de la mer. Quelle émotion de voir s’élever des dizaines d’éperviers au-dessus de l’eau avant de glisser vers l’horizon. Le vent est favorable. Les passereaux défilent assez proches pour qu’on les identifie aux jumelles et à leur cri de contact. Beaucoup de Tarins des aulnes, Pinsons des arbres, Pinsons du Nord, Pipits farlouses, Linottes mélodieuse, Hirondelles rustiques ; mais aussi Pigeons colombins, Eiders à duvet, Canards siffleurs…
De temps à autre quelqu’un signale des rapaces : un Faucon émerillon, et différents busards. Un vrai festival ! Quelques gouttes commencent à tomber autour de dix heures et la zone de l’observatoire se vide petit à petit. Le comptage journalier montre une migration apparente (oiseaux vus ou entendus) de plus de 74 500 individus appartenant à 56 espèces différentes, dont 409 éperviers et 55 800 Pinsons des arbres pour ne citer que deux espèces. Et la saison ne fait que commencer ! Le pic de passage a lieu un peu plus tard au mois d’Octobre.
Dans le camping nous retrouvons Ole et Kuniko et leur annonçons que nous déclinons leur généreuse invitation à passer quelques jours chez eux, à Copenhague. « Nous avons rénové la maison de sorte qu’il y a une chambre et une salle de bains indépendantes. Nous l’avons mis à disposition d’une mère et ses deux enfants d’Ukraine. Vous y seriez tellement bien, n’hésitez vraiment pas! » avaient-ils insisté. Avant de partir, Kuniko nous offre quelques fruits de leur jardin et un pot de confiture. Une mixture de couleur orangée faite à partir des fruits d’églantiers sauvages que l’on trouve partout sur la côte Sud de la Suède. La différence avec le fruit que l’on appelle chez nous cynorrhodon étant qu’il est plus rond et quatre fois plus gros ! Nous laissons partir leur convoi, leur caravane sans nos vélos et les deux places arrière vides. On se promet de leur écrire une carte et de leur faire signe quand on viendra à Copenhague, un jour ; pour la prochaine migration des cyclopithèques ?
Notre chargement est installé sur nos montures, il est temps pour nous de rejoindre le petit shelter qui nous avait abrités quelques jours plus tôt, au calme dans la lande de Skanör à l’Est de Falsterbo. À mesure que le ciel s’obscurcit, notre allure s’accélère. Quand nous sommes à bon port, c’est avec une certaine déception que nous nous retrouvons dans un barbecue party d’une quinzaine de personnes. Tant pis, la pluie n’est plus qu’à un ou deux kilomètres, il va nous falloir « sociabiliser ». Timidement on se fait une petite place dans l’abri encore libre en prévision de l’orage qui noircit le ciel et fait fuir les cygnes. Nous sommes gentiment accueillis par le doyen qui nous propose quelques saucisses grillées qui leur restent. En bon végétariens et par discrétion nous refusons. On s’installe au fond et nous nous faisons tout petits. La pluie finit par arriver et tout d’un coup la surface du plancher saturée, plus une place. Cela discute dans tous les sens, rigolant ici et là. Les assiettes filent, c’est bon vivant. L’homme qui nous a accueillis quelques instants plus tôt nous propose alors une part de leur dessert: un délicieux gâteau à la crème au beurre. Cette fois ci nous ne refusons pas et avec un grand sourire acquiesçons tout les deux d’un »Ja tack ». Les langues se délient et nous commençons à échanger avec les diverses personnes du groupe. Et… Il y a toujours un cycliste dans l’assemblée ! Il nous explique que ici, ils n’ont pas de montagnes pour s’entraîner, le vent de la région de Scanie suffit. « Ici les enfants dessinent la neige avec des traits horizontaux, alors qu’au Nord de la Suède, ils tombent gentiment à la verticale ! ». Une fois le repas terminé, le groupe quitte l’abri en nous souhaitant bonne chance.
Enfin seuls avec les vaches qui broutent devant. Au travers des interstices du bardage on voit venir trois cyclistes mais qui ne s’arrêtent pas, ouf. Devant nos yeux l’horizon s’éclaircit petit à petit, nous pouvons de nouveau distinguer la tour torsadée de Malmö, où nous nous étions arrêtés quelques jours plus tôt. Qu’on est bien. Soudain, au loin, quelques éclats de rires se font entendre. Ils se rapprochent, ils sont là, juste derrière. Une personne contourne le shelter, puis deux, trois, quatre… huit… dix…quinze ! Et avec de gros sacs à dos ! On se regarde et on comprend là que nous ne passerons pas une soirée au calme. Quelques instants plus tard un des membres du groupe -qui nous ignore superbement malgré nos tentatives, a l’excellente idée d’enclencher la musique depuis son enceinte portative. Marine négocie poliment de l’éteindre. Une des filles lui parle tout bas, complice : « C’est vrai que c’est mieux comme ça.». Nous aurions pu nous décider à quitter les lieux mais il aurait fallu pédaler encore un bon moment en risquant de se faire bien tremper.
19 Septembre. Le sol est jonché de cannettes de bières et personne n’est encore levé. Nous nous pressons de quitter l’enclos, transvasant pour la énième fois du séjour nos sacoches de l’autre côté de la barrière (dont l’entrée en chicane ne permet pas de faire passer les vélos). Nous prenons le petit déjeuner quelques kilomètres plus loin, sur le canal navigable, qui permet aux bateaux de prendre un raccourci sans contourner toute la péninsule. Une grande quantité d’Hirondelles rustiques est posée sur les barrières du ponton. Un groupe de femmes en combinaison sort de l’eau et se dirige vers le petit bâtiment de douches de l’aire de baignade. Une sorte de gros écureuil fait des aller venues sur une des jetées. On dirait une martre ou quelque chose comme ça. L’animal descend jusqu’à l’eau et se met à nager. On distingue une petite tâche claire sur son museau. Sûrement un vison !
Nous dépassons Trelleborg vers midi, petite ville qui est surtout une grosse gare de ferry sur la Baltique, et poursuivons encore plus loin pour trouver un endroit au calme pour déjeuner. De grands hêtres en retrait d’une plage nous offrent l’ombre et la sérénité nécessaires pour nous remettre de notre petite nuit perturbée par les fêtards. Le prochain bivouac pourrait bien se situer à côté d’un observatoire à oiseaux repéré sur la carte, juste après avoir dépassé Smyguehuk, le point le plus méridional de la Suède. Autour du cinquantième kilomètre de la journée nous y sommes. On accède à la plateforme d’observation par une longue rampe vers un point de vue sur la zone humide. Une buse variable vient se poser tout près. Notre présence a perturbé les Hérons cendrés qui huent en prenant la fuite. Des trompètements familiers se font de plus en plus audibles. Les grues ! Elles sont en vol battu, bien alignées au-dessus de nous. Le moment est peut-être venu pour elles de traverser la mer.
Nous installons notre bivouac non loin, du côté de la plage, entre une épaisseur d’arbres nous protégeant du vent et de la route, et un bunker condamné. Les vols de grues sont nombreux à partir de dix-huit heures. Marine en compte plus de 600 avant de rentrer dans la tente. La plupart filaient vers l’Ouest, donc longeaient la côte. Seul un petit groupe a pris une ascendance au-dessus de nous avant de se lancer sur la mer, cap Sud Ouest pour quitter la Scandinavie.
Le lendemain, les Grues cendrées sont en activité dès dix heures, alors que le soleil chauffe la surface de la Terre. Dans les taillis, juste derrière nous, ce sont des cinquantaines de tarins qui s’activent et dévorent les samares des bouleaux qui se répandent en pluie de graines volantes sous leurs pattes. Quelques pouillots, font aussi partie de ce banquet. De temps en temps tout ce petit monde s’envole pour former des nuages qui se déforment, se détendent et se compressent : une sorte de ballet graphique. Ces grands rassemblements précèdent leur migration imminente. Assis sur le toit du bunker nous savourons notre premier repas de la journée. Des baigneurs courageux s’aventurent jusqu’au bout de la jetée. Un escalier de métal les accompagne jusqu’au bout sans avoir à plonger.
Les kilomètres jusqu’à Ystad se font rapidement. Quelques haltes ornitho ponctuent cette route qui longe la mer et allonge cette dernière étape Scandinave que nous sommes en train de pédaler. Ce soir nous prendrons un ferry pour rejoindre la Pologne et plus précisément la ville de Swinoujscie. L’embarquement est à 20h30. Nous mangerons avant et aurons toute l’après-midi pour nous promener dans cette ville, aussi charmante qu’on nous l’a décrite : maisons colorées à colombages, églises de brique, rues pavées.
La gare maritime est assez facile à trouver. Au fond d’une zone portuaire se trouve un bâtiment que l’on pourrait qualifier de vieillot. À l’entrée, la vitrine d’un magasin de souvenirs interpelle Gabriel. Les objets présentés forment un bazar et retranscrivent une certaine image des pays scandinaves. Du porte-clefs au mug en passant par les T-shirts et les coupelles à café à l’effigie des rennes, le cheval de bois peint de Dalécarlie, les affreux trolls, les statuettes de Vikings au-dessus des casquettes aux motifs d’élans et écussons suédois.
En fin d’après-midi nous rejoignons la salle d’attente. Gabriel avance un peu l’écriture du blog et Marine réorganise les sacoches en prévision de la traversée. Les luminaires s’éteignent régulièrement alors on se lève toutes les cinq minutes pour agiter quelque chose devant le capteur à l’entrée de la pièce.
Nous sommes déjà un peu en Pologne car à côté, un groupe de travailleurs parlent une langue que nous ne connaissons pas. Tous ces hommes trapus, à la nuque raide semblent fatigués. Ils lèvent le bras de temps à autre pour répondre à l’appel que l’un d’entre eux énonce, une liste à la main. Un autre homme en tenue de ville écoute ses messages en haut-parleur, mi-anglais, mi-polonais. On comprend qu’il s’agit de recrutement. À 20h30 nous embarquons devant toutes les voitures qui attendent en file indienne, car nous avons ce privilège cycliste. On nous fait signe depuis la gueule ouverte du ferry Cracovia, un pouce en l’air. Nos lourds vélos prennent place dans un tout petit local déjà bien rempli : quel casse-tête ! Nous empruntons le grand escalier très raide qui trois étages plus loin nous rend sur le pont supérieur, à l’extérieur. Dans cette nuit noire, les néons diffusent une ambiance toute particulière. L’humidité fait briller les parties métalliques épaissies par les couches de peinture successives.
Une fois à l’intérieur, un long couloir placardé de miroirs et scandé de ficus en plastique nous mène aux salles où l’on passera la nuit. Assis sur de gros fauteuils en simili cuir non inclinables, aux accoudoirs non amovibles, nous tenterons de dormir tant bien que mal pendant les six heures que dure la traversée.
Après plus de cinq mois passés en Scandinavie, nous disons aurevoir à ce presque continent qui nous a enchantés (ou plutôt à bientôt car on pense déjà à notre prochaine virée !). Tout s’est bien déroulé à notre arrivée à Swinoujscie, on vous le raconte dès que possible dans le prochain épisode des cyclopithèques !
Toujours un plaisir de suivre cette aventure dans ces contrées qui font rêver! Merci de continuer à la partager….A bientôt!